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tances accessoires qui entourent le corps, quelle est celle qui constitue la condition essentielle et nécessaire du phénomène, de telle sorte que celui-ci se produise toujours lorsque cette condition existe, et qu’il ne se produise jamais lorsqu’elle n’existe pas. » C’est l’immortel honneur de Bernard d’avoir démontré que, pour les phénomènes physiologiques, et partant psychiques, comme pour ceux de la physique et de la chimie, les mêmes causes, dans les mêmes conditions, produisent toujours les mêmes effets, et que les lois d’airain de la mécanique sont aussi celles de la vie et de l’intelligence.

C’est également sous l’empire d’un déterminisme absolu qu’on observe cette autre classe de mouvements dont il est possible d’indiquer les causes, les mouvements provoqués. Ces causes sont la lumière, la chaleur, la pesanteur, les excitations mécaniques, acoustiques, chimiques et électriques.

Mais avant d’étudier la nature et le degré des réactions que manifestent les Protozoaires et les Protophytes sous l’influence de ces forces naturelles, il convient de rechercher s’il existe déjà chez ces êtres des rudiments d’organes des sens, des organoïdes, comme on le soutient souvent. On conçoit de quelle importance est pour la vie psychique d’un être, l’existence ou l’absence de ces appareils de différenciation de la sensibilité organique, les sens. Ce n’est pas à dire que le protoplasma amorphe d’une Amibe ait besoin d’organes des sens pour percevoir les variations d’intensité de la lumière et de la chaleur, les contacts, les pressions, les modifications chimiques ou électriques du milieu. Mais les différents rayons du spectre éveillent-ils chez ces êtres des sensations chromatiques, ou ne sont-ils perçus que sous forme d’intensité lumineuse, de température, d’action chimique ? C’est ce que nous ignorons. Depuis Ehrenberg, on considère comme des organoïdes servant à la vision les taches de pigment colorées en rouge qui existent chez beaucoup de Protozoaires ; on a même distingué chez quelques-uns un cristallin et une choroïde (Pouchet, Künstler). Mais une réaction a commencé contre cette interprétation. Quelle serait la fonction de ces organoïdes ? On ne sait. Outre certaines observations d’Engelmann, Verworn soutient qu’un grand nombre de Protozoaires sur lesquels on ne découvre aucune de ces taches oculaires se comportent tout à fait sous l’action de la lumière comme ceux qui en sont pourvus[1]. Il faudrait

  1. Maupas estime aussi qu’on ne sait absolument rien de la fonction de la tache pigmentaire. Personne n’a encore réussi à réaliser une expérience capable de mettre en évidence la fonction de cet organoïde. Il existe de nombreuses observations qui semblent contredire la fonction attribuée à ces taches pigmentaires.