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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

naître qu’un aspect des choses, et toujours le même, le côté subjectif. Mais, là où toute observation et toute expérience nous font défaut, qui nous force d’identifier à nos propres états de conscience les causes des réactions motrices qu’on note chez les Protozoaires et chez les Protophytes ?

L’identité élémentaire de la structure et des fonctions du protoplasma vivant dans toute la série organique n’implique évidemment pas que, par suite de la complexité croissante des processus et de leur différenciation, il ne puisse apparaître, au cours de l’évolution, chez les Métazoaires, certaines fonctions à peine indiquées chez des Protozoaires. Au fond de tous les processus psychiques les plus complexes on ne trouve rien de plus, sans doute, que ces deux propriétés fondamentales de tout protoplasma : la sensibilité et le mouvement. Mais si, là où un système nerveux apparaît, par l’effet de la division du travail biologique, on ne constate qu’une exagération, une spécialisation plus grande de forces qui préexistaient, il est pourtant évident qu’avec la complexité des rouages, le travail de la machine animale est devenu plus compliqué, ainsi qu’en témoigne sa « sensibilité », comme dirait un horloger en parlant de ses chonomètres. La mémoire, par exemple, qui, comme l’a bien montré Hering, est une fonction générale de la matière organisée, sera d’autant plus étendue, elle persistera d’autant plus qu’elle trouvera des conditions organiques plus favorables à son développement. La conscience surtout, qui n’est chez l’homme qu’un simple état des centres nerveux, un épiphénomène, un phénomène d’accompagnement, exige peut-être pour apparaître des conditions organiques qui ne sont pas encore réalisées chez tous les Métazoaires, à plus forte raison chez les Protozoaires. Quel besoin a-t-on d’évoquer la conscience chez ces animalcules, alors qu’on peut expliquer leurs réactions les plus appropriées, en apparence et en réalité, par les seuls effets mécaniques de la concurrence vitale et de la sélection naturelle ?

Un seul exemple, emprunté à J. Loeb, fera bien comprendre l’esprit nouveau des jeunes naturalistes. Ce physiologiste, dont j’ai eu l’occasion de suivre les remarquables travaux sur les fonctions du cerveau[1], et que je tiens pour le meilleur élève de Frédéric Goltz, ne veut point qu’on dise, avec Réaumur, que si les papillons diurnes volent le jour et les papillons nocturnes la nuit, c’est que « les uns aiment et cherchent la clarté du soleil, tandis que les autres sem-

  1. J. Soury, les Fonctions du cerveau. Doctrines de Fr. Goltz (Paris, J.-B. Baillière), p. 61 sq.