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psychiques, sur l’étude des réactions motrices des organismes considérés ; bref, sur la notation des phénomènes de mouvement. Le mouvement est le seul critérium que nous possédions pour juger de la nature et de l’intensité des processus psychiques.

Trois méthodes peuvent être appliquées à cette étude des mouvements : 1o la méthode de l’observation pure ; 2o la méthode expérimentale, où les réactions de l’organisme sont artificiellement provoquées ; 1o la méthode des vivisections ou de mérotomie, qui sert surtout à déterminer le siège des fonctions, de celles du mouvement et de la sensibilité, comme de celles de la nutrition, des sécrétions et de la croissance. Après Eichhorn, Haeckel, Brandt, Nussbaum et Gruber, M. le professeur Balbiani a commencé, sur la division artificielle des Infusoires ciliés, une série d’études qui sont déjà du plus haut intérêt pour la connaissance des propriétés du noyau cellulaire[1]. Si l’ancien axiome : omnis cellula e cellula est demeuré vrai, le nouveau : omnis nucleus e nucleo, l’est encore bien davantage, et il ne paraît pas qu’on puisse exagérer l’importance des éléments nucléaires de la cellule. Personne ne l’a mieux montré en ces derniers temps, en France, que Maupas, dans ses Recherches expérimentales sur la multiplication et sur le rajeunissement karyogamique des Infusoires ciliés[2].

Le trait dominant de toutes ces investigations, l’esprit qui les inspire et les dirige avec une implacable rigueur, c’est l’élimination, autant que cela est possible, de tout élément anthropomorphique dans l’interprétation des faits. Cette tendance est surtout marquée chez Jacques Loeb, Pfeffer, Max Verworn et Maupas. La plupart des observations des naturalistes sur la vie psychique des organismes inférieurs, celles même de Réaumur, de Lubbock, de Graber, de Romanes et de Darwin, sont encore saturées d’anthropomorphisme. À cet égard il y a, dans les sciences biologiques, à faire une révolution semblable à celle qui, en astronomie, a mis fin à la conception géocentrique.

Il est bien vrai que, pour être connu, c’est-à-dire classé, tout fait doit être interprété, et qu’il serait naïf d’espérer jamais connaître un fait en lui-même : nous ne saurions sortir de nous et devenir les choses que nous nous représentons fatalement d’après la structure de notre esprit. Le rapport véritable de nos représentations à la réalité restera toujours absolument inconnu, puisque nous ne pouvons con-

  1. Balbiani, Recherches expérimentales sur la mérotomie des Infusoires ciliés. Contribution à l’étude du rôle physiologique du noyau cellulaire (Recueil zoologique suisse, V, 1888-89, 1 sq.).
  2. Archives de zoologie expérimentale, 1888-1889.