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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

bruts et les corps vivants. Cette distinction, purement arbitraire, et qui était « bien plus une création de notre esprit qu’une réalité extérieure », a dit Claude Bernard, était d’ailleurs, le plus souvent, « fort peu nette ou même inapplicable ». Un antagonisme, une opposition réelle entre les corps vivants et les corps bruts ne sauraient même se comprendre, puisque les éléments de ces deux ordres de corps sont les mêmes : « Tous les corps vivants sont exclusivement formés d’éléments minéraux empruntés au milieu cosmique. Descartes, Leibniz, Lavoisier nous ont appris que la matière et ses lois ne diffèrent pas dans les corps vivants et dans les corps bruts ; ils nous ont montré qu’il n’y a au monde qu’une seule mécanique, une seule physique, une seule chimie, communes à tous les êtres de la nature » (Claude Bernard). Ainsi tomba la dernière barrière qu’on avait élevée entre la science des corps vivants et celle des corps inorganiques.

II

Le nombre est grand des auteurs qui, depuis le xviii° siècle, ont observé la vie psychique des organismes unicellulaires ; les faits les plus précieux se trouvent certainement dans les ouvrages de physiologie végétale. Quant aux opinions des auteurs, elles varient ou divergent absolument. Les uns, comme Cienkowski et O. Schmidt, hésitent sur la réalité des processus psychiques de ces organismes, d’autres les nient ; le plus grand nombre, et parmi eux Engelmann, Romanes, Schneider, Moebius, Eimer, Géza Entz, en admet l’existence et va jusqu’à parler de phénomènes conscients de la sensibilité et du mouvement. Pour les uns, la vie psychique de ces organismes est tout à fait rudimentaire ; elle est très développée, très complexe pour les autres. Comme les faits ne se contredisent jamais, il faut bien que ce soient les observateurs qui aient erré. D’oîi la nécessité d’interroger de nouveau les faits en suivant une méthode qu’on estime plus scientifique.

Que s’agit-il de démontrer ? Deux choses : 1o le degré de développement de la vie psychique des organismes unicellulaires ; 2o la nature de ces phénomènes. Une étude objective des résultats que l’observation et l’expérience auront fait découvrir, permettra seule de porter un jugement critique sur le degré et la nature de ces processus naturels. Le procédé pour découvrir ces faits est unique : il repose sur l’observation de l’expression objective des manifestations