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seulement sur ces animaux que, en vertu de la différenciation extrême des éléments cellulaires des différents tissus, la vie se manifeste sous ses aspects les plus divers, avec un éclat et une délicatesse incomparables.

Les deux thèses nous paraissent également justes, et d’ailleurs très conciliables, car, chez les Protozoaires ou chez l’homme, l’étude de la vie n’est jamais que celle des propriétés de la cellule, j’entends du protoplasma vivant.

Max Verworn se déclare nettement pour le premier mode d’étude. Il raconte, au début de son livre[1] combien il fut frappé lorsque, suivant à Iéna les leçons de Haeckel, il vit réunies dans une seule cellule, soit qu’elle fût isolée, comme le corps d’un Infusoire, soit qu’elle appartînt aux tissus des animaux supérieurs, comme les leucocytes du sang et de la lymphe, toutes les propriétés élémentaires qui servent à définir la vie, depuis la nutrition, la croissance et la reproduction, jusqu’au mouvement et à la sensation. Il estima dès lors que, pour l’intelligence de la physiologie comme pour celle de la morphologie des organismes, il était nécessaire de commencer par l’étude des fonctions et des formes des êtres vivants unicellulaires. Cette étude est indispensable pour la psychologie, qui fait incontestablement partie de la physiologie. « Car, dit M. Verworn, si la physiologie considère l’étude des phénomènes de la vie comme son domaine, les processus psychiques sont aussi bien des phénomènes biologiques que ceux de la nutrition, par exemple. » Il reproche aux physiologistes la faute de méthode qui consiste, selon lui, à aborder l’étude des phénomènes psychiques par celle des processus compliqués que présentent à cet égard les animaux supérieurs. Pour comprendre l’évolution morphologique des animaux, l’anatomiste étudie les formes inférieures d’où ceux-ci se sont développés. De même, en psychologie, l’étude de la vie psychique des animaux inférieurs peut seule répandre quelque lumière sur la psychologie de l’homme et des animaux supérieurs. La continuité morphologique des êtres vivants implique leur continuité physiologique, et partant psychique. Ajoutez que les Protozoaires, postérité directe des premiers êtres vivants, dont ils peuvent seuls nous donner quelque idée, sont plus indépendants de leur milieu que les éléments histologiques : ils n’ont point subi, sous l’influence de la concurrence vitale, de l’adaptation et de la division du travail physiologique, la profonde spécialisation fonctionnelle de ces derniers. C’est donc chez les Protozoaires et chez les

  1. Psycho-physiologische Protisten Studien. Experimentelle Untersuchungen. lén 1889.