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table, mais elle ne répond pas du tout à l’argument de M. Jackson et n’infirme pas sa thèse. La seconde proposition est tout aussi incontestable, mais elle ne prouve rien contre la théorie de l’épuisement. M. Gowers raisonne comme la plupart des partisans de la théorie de l’inhibition, qui ne considèrent dans l’animal en expérience ou dans l’homme en observation que l’organe qui est ou est supposé le siège de l’excitation et l’organe qu’il leur plaît de soumettre à leurs investigations. Cette façon de raisonner est défectueuse, ce qu’il est facile de démontrer en particulier lorsqu’il s’agit de l’épilepsie.

L’étude physiologique, autant que l’étude clinique, nous montre que l’accès d’épilepsie ne consiste pas seulement en troubles moteurs extérieurement visibles ; les muscles de la vie organique, les organes sécréteurs, la respiration sont aussi affectés, en même temps que les fonctions sensorielles et psychiques. Or la mise en activité excessive de chacune de ces fonctions est susceptible de produire un épuisement général, de même que leur mise en activité modérée coïncide avec une exagération momentanée de toutes les autres fonctions.

L’exercice exagéré des fonctions psychiques entraîne un épuisement de la force musculaire, des fonctions digestives, etc. La douleur ou l’exercice excessif de la sensibilité produit des phénomènes d’épuisement général bien connus. La surcharge de l’estomac peut produire le même résultat. Quelle que soit la cause d’épuisement, la fatigue ou la paresse se fait d’abord sentir sur l’organe ou sur le membre le plus faible ; l’affaiblissement fonctionnel de cet organe peut donc se manifester sans qu’il ait été le siège d’une activité spéciale. Un épuisement général ou local peut donc tout aussi bien être la conséquence de troubles sensoriels ou psychiques que de troubles moteurs. D’ailleurs, les altérations du sang qui persistent plus ou moins longtemps après l’accès, montrent évidemment qu’il y a eu quelque chose de détruit et que les troubles observés ne sont pas l’effet d’une mystérieuse action d’arrêt[1].

Comme Hughlings Jackson l’a signalé : la paralysie peut être plus considérable si le commencement de l’accès a été arrêté par la ligature des membres. Cette circonstance indique seulement que lors-

  1. Dans son récent article « Inhibition » du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, M. Brown-Séquard n’oppose à l’ « épuisement » qu’un argument absolument contestable : « Nous voyons très souvent les plus grandes fatigues, le plus grand épuisement, exister sans perte d’activité et surtout sans perle de propriété. » (4e série, t.  VII, p. 17.) Dans plusieurs discussions récentes à la Société de biologie, M. Brown-Séquard a affirmé l’existence de phénomènes « de dynamogénie et d’inhibition » sans phénomènes nutritifs, sans combustion, sans perte : la preuve expérimentale qui seule pourrait combattre victorieusement la doctrine de « l’excitation et de l’épuisement » que je défends, manque jusqu’à présent.