Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/673

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
663
analyses.Société psychologique de Moscou.

systématique à ceux qui doivent survivre dans la lutte, ensemble constituant une sélection artificielle venant au secours de la naturelle insuffisance dans la société humaine. M. Sergi me paraît un peu trop sur de ses conclusions. Est-il bien certain que tout ne soit que mauvais dans la dégénérescence ? Ce qu’on appelle « le Progrès » n’est-il pas dû souvent à des individus qui présentent des stigmates évidents de décadence et qui n’en sont pas moins des hommes de talent et de génie ? L’erreur et l’illusion, qui semblent la conséquence d’une adaptation imparfaite au milieu, sont-elles toujours nuisibles ? Les moyens proposés pour la restriction de la dégénérescence seront-ils plus efficaces que ceux qu’on a mis en œuvre jusqu’ici ? car empêcher les gens de dégénérer au moyen de la sélection artificielle, n’est-ce pas augmenter le nombre des combattants bien armés dans la lutte pour la vie et du même coup la rendre plus âpre, comme on le voit aujourd’hui ? n’est-ce pas jusqu’à un certain point un cercle vicieux, le principe de dépopulation de Malthus n’ayant pas encore reçu de consécration ou de rejet définitif ? N’est-ce pas malgré tout une inconséquence que de ne pas proposer la suppression radicale et violente de tout dégénéré, si on admet que tout dégénéré est nuisible ? Toutes ces questions, M. Sergi ne les a pas posées, à tort selon nous. Car si l’étude des dégérescences a un côté biologique médical, difficile, mais enfin relativement connu, le côté sociologique n’en est vraiment pas au même point, témoin les discussions sans nombre et embrouillées auxquelles nous assistons aujourd’hui : le problème ne nous paraît pas résolu.

Les faits sociaux humains sont vraiment bien plus complexes et divers que ceux des animaux ; aussi s’il y a quelques-uns de ces faits se rapportant à la dégénérescence qui semblent acquis, ils sont trop peu nombreux pour permettre encore d’en faire une théorie générale et encore moins pour établir des conclusions pratiques. Celles-ci reposent sur trop d’inconnues et d’hypothèses pour que les résultats de leur application soient ce qu’on en attend. Il faudra d’abord accumuler des faits pendant longtemps, avant de faire une tentative théorique et pratique, et peut-être alors reconnaîtra-t-on que l’espoir d’améliorer le sort des humains est une illusion qui ne se réalisera pas plus par la science que par la religion ou la métaphysique.

P. C.

Troudy moskovskaho psichologuitcheskaho obtchestva. (Travaux de la Société psychologique de Moscou, livr. 1, 1888.)

La Société psychologique de Moscou, qui compte au nombre de ses membres honoraires M. Bain en Angleterre, M. Ribot en France et M. Wundt en Allemagne, et parmi ses membres actifs tous les philosophes de marque en Russie et beaucoup de naturalistes éminents, a fait paraître, à l’occasion du centenaire de la naissance de Schopenhauer, un volume in-8o de 240 pages, entièrement consacré à la mémoire du