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vement pénible inhibitoire, et que la continuité d’un mouvement détermine sa dynamogénie, nous aurons rappelé les bases essentielles sur lesquelles repose la prestigieuse synthèse que nous présente M. Ch. Henry.

Déjà, l’on avait essayé de ramener l’agréable à a la conscience de la vie non entravée » et le beau à « une perception ou une action qui stimule en nous la vie » ; mais il y a loin de ces formules générales employées par Guyau[1] aux théories précises que nous avons maintenant devant nous, et l’on ne saurait y voir qu’une de ces intuitions qui précèdent généralement les doctrines régulières.

Quoi qu’il en soit, nous devons résister au plaisir d’exposer le développement de la thèse si séduisante de M. Ch. Henry, puisqu’il l’a présenté lui-même aux lecteurs de la Revue, et nous voilà par suite réduit à peu près au rôle déplaisant et morose de critique, car nous devons bien avouer que, si nous sommes complètement séduit par sa conception fondamentale, nous nous heurtons à bien des difficultés qui nous commandent de rester sur la réserve.

Et tout d’abord, la détermination essentielle des divisions rythmiques nous paraît fondée sur une considération singulièrement subtile et, malgré l’apparence, peu en rapport avec la constitution de nos organes. « L’être vivant ne pouvant décrire que des circonférences, dit M. Ch. Henry, sa mécanique ne dépasse pas la portée du compas : il est donc empêché de réaliser continûment les changements de direction déterminant sur la circonférence une section exprimée par des nombres qui ne sont pas de la forme 2n, 2n + 1 premier ou 2n multiplié par un ou plusieurs nombres premiers de la forme 2n + 1. » En un mot, nos membres formant un système de compas, notre mécanique ne peut partager la circonférence qu’en un nombre de parties égales qui soit de l’une des formes indiquées ci-dessus. Or, il nous paraît incontestable, et il n’est pas contesté, croyons-nous, que nous sommes absolument incapables d’effectuer avec nos membres les constructions fort compliquées qui permettent d’opérer cette division avec le compas, et prétendre que nous apprécions néanmoins inconsciemment cette possibilité théorique et en jouissons, nous paraît une assertion singulièrement aventurée. Or c’est là un postulat de la théorie que nous étudions.

Mais il y a plus : M. Ch. Henry parle toujours de nos membres ou de nos appendices, comme il aime à les appeler, et jamais de nos yeux qui servent pourtant presque exclusivement à la perception des formes et ne sont pas assujettis à ne décrire que des mouvements de compas. Toutefois nous devons ajouter que cette difficulté, tout en continuant de nous paraître très sérieuse, a perdu pour nous une notable partie de sa valeur depuis que nous avons lu, dans le bel ouvrage de M. Souriau sur l’Esthétique du mouvement, une réflexion très juste qu’il dirige, chose singulière, contre M. Ch. Henry. M. Souriau fait remarquer que, pour juger de la forme d’une ligne, nous ne

  1. Les problèmes de l’esthétique contemporaine, p. 75 et 77.