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cheval, s’il est inférieur à son père, est supérieur à sa mère l’ânesse.

Voilà à quels raisonnements saugrenus recourt la plus haute raison pour soutenir une thèse fondée sur ce principe, que l’imparfait ne peut produire plus parfait que soi. L’infériorité du sexe féminin ne souffrait point de doute. Il n’y a point d’âme sensitive dans la semence, laquelle est immobile, faute d’organes moteurs et sensibles. Chose étrange ! Cet homme d’opinions si singulières sur la génération, la conception et l’animation, remarque avec à propos que les suppôts de l’École se tirent de difficulté en jonglant avec les mots : ils distinguent l’animation virtuelle de l’animation formelle ; et ils ne pensent pas qu’on puisse trouver mieux. Cette manie de résoudre tout problème par des formules est une peste, hæc lues. Il demande à ces docteurs si cette vertu, contenue dans la semence, et capable d’engendrer l’âme, est accident ou substance, et il les serre dans l’étau de ce dilemme : si elle est accident, rien de plus absurde que de penser que cet accident puisse produire une substance ; et si elle est substance, il demande si elle est plus ou moins ou aussi parfaite que l’âme sensitive. Il s’ensuivrait, en effet, que l’infiniment parfait pourrait naître du travail de la nature. À son point de vue, ce serait là un argument formidable contre l’existence de l’âme. Si la vertu productive de l’âme est dans la semence, elle devrait être plus parfaite que l’âme même, et partant la semence de l’animal le plus parfait, en atteignant le dernier terme de la perfection, arriverait à la raison, et il n’y aurait plus de barrière entre l’humanité et l’animalité.

C’est à la cause universelle qu’il faut recourir, comme pour la reproduction des phénomènes météorologiques, restat ergo in cœlum eundum esse, hoc est in universalem caussam. Les causes particulières ne font que disposer la matière ; mais c’est la cause universelle qui produit réellement. En un mot, tout ce qui naît au monde vient directement ou indirectement de la suprême essence. À ce propos il discute deux passages d’Aristote qu’il soupçonne d’avoir emprunté les idées du Timée de Platon ; et il déclare que les doctrines aristotéliques se fondent trop souvent sur des raisons très faibles, quand elles ne sont pas arbitraires et dépourvues de raison, ut tanti philosophi dogmata perquam imbecillis rationibus, quin nullis, sed mero placito constare intelligatis. Il se peut qu’Aristote ait emprunté de Platon l’origine céleste des âmes ; mais il est encore plus probable que Platon ait influé sur l’astrologie, en assignant une âme à chaque astre. Cela ne veut pas dire qu’Aristote n’ait jamais rêvé ; il n’eût pas été métaphysicien sans cela. S’il n’avait rien du poète, tel que l’a défini Platon, ce n’est pas vers le mysticisme que l’appelait son esprit très vaste, mais très sec.