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point malade ; ou, s’il l’était, il n’y aurait qu’un seul et unique remède. Gomez Pereira approuve et développe l’opinion d’Hippocrate, et se montre peu satisfait du commentaire de Galien. Il y a grande apparence qu’Hippocrate n’admettait point, comme Aristote, la matière et la forme. Sans être un empirique, il ne philosophait guère en dehors de son art. C’est ce qui a fait sa force. On ne raisonne bien que de ce que l’on sait.

Les théories physiques de Gomez Pereira sur la chaleur, le feu, les ferments, la composition des mixtes, sont plus singulières qu’instructives, et ne font pas regretter un ouvrage de physique auquel il renvoie souvent et qui ne devait pas voir le jour. Aussi est-on étonné de sa sévérité à l’endroit d’Aristote et de son commentateur Lefèvre d’Étaples. Pour que rien ne manque à son esquisse de la physique, il essaye une explication des comètes et des météores, et il ébauche une théorie de l’ignition, à propos de laquelle il entreprend une réfutation en règle de Gentil de Foligno, commentateur d’Avicenne.

Avec beaucoup de bonne foi, il déclare que lui-même s’était trompé, et reconnaît que la confession des erreurs peut être très utile.

Ce n’est qu’après cette longue excursion dans le domaine de la physique, qu’il reprend son argumentation contre la matière première. La rigueur de sa logique l’oblige à faire cette déclaration : Si notre assertion était vraie, il s’ensuivrait que la création ne différerait en rien de la génération, ni la corruption de l’anéantissement. Les réflexions qui suivent prouvent qu’il savait peu de chose de l’hérédité et de la transmission des qualités des parents par les germes. Pour lui, chaque génération nouvelle était une régénération complète. Chose curieuse ! Ce grand raisonneur reconnaît la nécessité de s’en rapporter aux sens pour tout ce qui est de la nature, et il accorde que la mort ne change rien à l’état du sujet, puisqu’il n’y a point de génération d’une forme nouvelle, et que les accidents qu’on observe sur le cadavre sont les mêmes en nombre que sur le vivant. Il n’oublie que la putréfaction, qui a lieu pour tous les êtres vivants, et qui suit la mort, laquelle vient à la suite de la séparation de l’âme d’avec le corps. Comment définir alors la mort des bêtes ? Ce qui paraît bien plus raisonnable, c’est ce qu’il rapporte du goût de la viande d’après la nourriture de l’animal. C’est la forme de l’animal ou de la plante qui, se conservant dans le composé, modifie le mélange des éléments par l’action des facultés nutritives de l’animal ou de la plante. Peut-être eût-il mieux valu dire que les propriétés de certains aliments persistent malgré