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GUARDIA.philosophes espagnols

de physique pure s’étendent à la physiologie, puisqu’elles touchent à la structure, à la nutrition et à la génération des organismes. La fusion des germes justifie la formule du mariage religieux : Eritis duo in carne una. Ici c’est le contact qui produit l’unité, et la continuité naît de la contiguïté. Il est vrai que le produit et les deux facteurs sont de la même espèce. Si Gomez Pereira avait pu mesurer toutes les conséquences de sa distinction, au point de vue biologique, peut-être eût-il mis une sourdine à cette déclaration ambitieuse : « Voilà de quoi élucider pleinement un point de doctrine enveloppé jusqu’ici d’épaisses ténèbres. » Mais la chimie commençait à peine ; l’embryogénie était à peine entrevue ; et la curiosité scientifique ignorait beaucoup de vérités aujourd’hui vulgaires. Si les grands esprits des siècles antérieurs avaient eu les connaissances d’un de nos étudiants, ils seraient moins admirés et moins admirables. On leur sait gré de leurs efforts parce qu’ils marchaient dans les broussailles d’une forêt épaisse et sombre, ibant obscuri.

Revenant à sa thèse de la connaissance, il prétend l’étayer d’exemples empruntés à la science de la nature. Il commence par discuter l’axiome fondamental de l’ancienne physique : il y a trois principes dans la nature : la matière, la forme et la privation. Les deux premiers sont substance, et le troisième est un mode de la substance ; et ils ne sont point perceptibles par les sens ; c’est par accident, et non par eux-mêmes, qu’ils sont dits sensibles. Il faut bien que la connaissance de ces principes repose sur un fondement, comme ces axiomes : de rien il ne naît rien ; la ligne droite est la plus courte distance entre deux points. Jamais les philosophes (il fallait ajouter païens) n’ont varié sur le principe essentiel : Ex nihilo nihil fieri. À ce sujet, il écrit une page très intéressante résumant les vues des philosophes naturalistes sur l’origine des choses. Tous sont d’accord sur le principe que le néant n’est le commencement ni la fin de rien. La complaissance avec laquelle il insiste là-dessus devait étonner les philosophes orthodoxes des universités ; ils ne pouvaient manquer de frémir au brillant résumé de la théorie des atomes considérés comme principes des choses, à l’aide des pores et du vide.

Aristote ajouta la matière incorruptible et éternelle. Comme médecin, Gomez Pereira cite un livre attribué à Hippocrate, où la critique des philosophes a devancé celle qu’en fit Aristote, Hippocrates medicus, prior multo Aristotele. On sait qu’Hippocrate ne répugnait pas à la doctrine cosmogonique des quatre éléments, et qu’il n’admettait point l’unité de composition ; car, disait-il, si l’homme n’était qu’un tout unique, il ne souffrirait point, ne serait