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A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

gements constructeur et destructeur, anabolique et catabolique du protoplasme nerveux. Déjà le processus d’inhibition est regardé comme étant probablement un processus constructeur ou changement anabolique. Pour sentir et penser, il faut construire, accumuler des matériaux selon une forme déterminée, empêcher dans une certaine mesure le mouvement de se dissiper en translation dans l’espace, conséquemment l’arrêter et l’inhiber tout en le provoquant. Pour agir, au contraire, il faut dépenser et plus ou moins détruire. Selon Haycraft et Mackensie, les cellules de l’écorce sont surtout trophiques et agissent comme des matériaux combustibles placés sur une ligne de poudre à canon. Quoi qu’il en soit, on ne saurait se figurer le cerveau comme un employé de télégraphe impotent qui lirait passivement des dépêches reçues d’une direction, sans pouvoir jamais en transmettre lui-mème avec conscience dans l’autre direction. Tout ce qui se passe dans le système nerveux doit avoir sa contre-partie dans le mental, aussi bien la sortie du courant que l’entrée[1]. En vertu de l’égalité de l’action et de la réaction, il est impossible qu’une molécule subisse une action sans réagir ; à plus forte raison les cellules nerveuses du cerveau ne sauraient-elles subir l’action des courants qui les frappent sans réagir elles-mêmes ; cette réaction, pour n’être pas encore musculaire, n’en est pas moins réelle. Les muscles eux-mêmes, produits tardifs d’une longue évolution, ne sont qu’un appareil perfectionné dans lequel est devenu dominant et où s’est amplifié le mouvement de réaction qui existait dès l’abord et existe toujours dans toutes les cellules vivantes. Nous devons donc admettre qu’il n’y a pas une seule impression sur les molécules cérébrales qui n’y provoque une réaction, et, en général, que les phénomènes cérébraux ne sont pas des faits de pure passivité, mais des phénomènes d’action subie et de réaction exercée.

Une fois ce point établi, faut-il admettre que la conscience réponde uniquement et exclusivement au côté passif, jamais au côté actif ? C’est à ceux qui le prétendent qu’incombe la preuve : nous venons de voir qu’ils ne l’ont pas fournie. Loin de là, toutes les probabilités sont contre eux. Puisque les centres nerveux cérébraux réagissent, ils doivent réfléchir le mouvement d’une manière ou d’une autre : or, l’absence de ce côté réactif et réflectif dans la conscience est-elle probable ? Ne doit-il pas y avoir dans la conscience quelque chose qui réponde à la réaction nerveuse centrifuge, une contre-partie du mouvement restitué, c’est-à-dire un mode de conscience particulier

  1. Sortie d’où ? entrée  ? aux physiologistes de répondre avec précision, s’ils le peuvent.