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c’est le mouvement accompli ou en train de s’accomplir ; donc l’idée d’un mouvement, « c’est cette perception sensible que nous en obtenons pendant qu’il se produit ou après qu’il s’est produit ». — Oui, l’idée de tel mouvement est celle du résultat accompli, plus l’idée de la décharge centrale nécessaire en général à tout mouvement de réaction. — « Qu’est-ce que cette perception sensible ? » se demande W. James, et on croit que la preuve tant désirée de sa thèse va enfin venir ; mais non, il se contente d’affirmer : « Je réponds sans hésiter, dit-il (il vaudrait mieux hésiter et démontrer) : c’est un agrégat de sentiments afférents, qui proviennent d’abord de la contraction des muscles, de l’extension des tendons, des ligaments et de la peau, des frottements et de la pression des jointures ; secondairement de l’œil, de l’oreille, de la peau, du nez ou du palais, organes qui peuvent en totalité ou en partie être affectés indirectement par le mouvement d’une autre partie du corps. L’unique idée d’un mouvement que nous puissions posséder se compose des images de ces phénomènes, effets afférents du mouvement. » — Où est la preuve d’une affirmation aussi énorme ? En quoi l’existence de sensations venues de la peau, de l’œil, du nez, empêche-t-elle un sentiment corrélatif de l’énergie cérébrale, laquelle n’est certes pas encore arrivée à la peau, à l’œil, au nez ? Peut-on démontrer qu’une chose n’existe pas en démontrant qu’une autre chose existe qui n’est nullement exclusive de la première, qui même suppose la première ? Se passerait-il quelque chose de nouveau dans votre peau ou votre nez, si quelque chose de nouveau ne s’était point passé d’abord dans votre cerveau, et pourquoi affirmez-vous qu’il n’y a absolument rien dans la conscience qui répond à la réaction du cerveau ? Plus cette réaction est subite, plus elle affecte la forme d’une décision, par cela même d’une décharge, et mieux elle remplit les conditions de contraste nécessaires à la conscience distincte. Au lieu de voir là, avec M. Renouvier, un fiât créateur de direction d’idées, n’est-il pas plus simple d’y voir le sentiment d’une force passant de la tension à la détente ?

« Quiconque, ajoute W. James, dit qu’en élevant le bras il ignore et la quantité de muscles qu’il contracte et l’ordre de séquence et les degrés d’intensité de ces contractions, avoue expressément l’état d’inconscience profonde où il est des processus de la décharge motrice. » — Des processus à travers les muscles, oui ; de la décharge même, non. Est-ce que le mécanicien dont nous parlions tout à l’heure a besoin de connaître tous les processus de sa machine pour savoir qu’il a mis la main sur le ressort initial ? Nous avons le sentiment d’une impulsion donnée, et le reste va sans que nous sachions de quelle manière. — Mais alors, demande-t-on, comment se fait-il