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de la conscience. Et puisqu’il n’y a, ajoute-t-on, aucune activité efférente, la volonté n’est qu’un sentiment afférent, une sensation[1]. En essayant ainsi de réduire toute conscience d’agir à une réverbération de mouvements périphériques, on espère atteindre dans ses derniers retranchements toute efficacité attribuée aux faits d’ordre mental, toute « force » prêtée aux sentiments et aux « idées » ; on espère montrer que la causalité est tout entière dans la chaîne physique, dont la conscience n’est plus que l’éclairage intermittent. Il n’est donc pas sans intérêt d’examiner, d’abord, s’il est vrai que l’effort se réduise tout entier à des sensations, et à des sensations périphériques ; puis, quelle est la vraie origine du sentiment d’effort mental et d’activité ; enfin si des théories physiologiques, quelles qu’elles soient, peuvent prouver que l’activité psychique n’existe point.

I. — On sait qu’il y a trois opinions principales sur la conscience que nous croyons avoir d’un déploiement d’énergie dans le désir et l’effort[2]. Pour les uns, cette conscience d’effort s’explique par des sensations afférentes de pression de la peau ; pour d’autres, par des sensations musculaires spécifiques, également afférentes ; pour d’autres enfin, par un sentiment immédiat d’innervation centrale à direction centrifuge. Il importe de remarquer d’abord que ces trois opinions ne s’excluent nullement et peuvent rendre compte chacune d’un des éléments de la motion. D’abord, pour localiser le mouvement, on comprend que les sensations cutanées et articulaires soient nécessaires ; en second lieu, pour apprécier l’étendue de la contraction et du mouvement, on conçoit l’utilité des sensations musculaires envoyées au cerveau par les nerfs musculaires dont Sachs a fait la découverte ; enfin, pour apprécier l’énergie déployée, on conçoit que le sentiment de la décharge cérébrale soit un élément de première importance. Prouver l’existence ou la non-existence d’un de ces trois éléments, ce n’est donc rien prouver relativement aux autres.

Telle est cependant la tactique de ceux qui soutiennent ici un système exclusif. Tous les arguments apportés par eux consistent à dépasser les prémisses dans la conclusion et à dire : Il y a, dans le sentiment complexe de l’effort, des sensations afférentes venues des muscles, des tendons, de la peau, etc., etc., donc il n’y a pas autre chose que des sensations afférentes[3].

  1. C’est la conclusion qu’ont tirée, parmi les psychologues anglais, MM. Mercier et Thompson.
  2. Ces diverses opinions ont encore été soutenues au récent congrès de psychologie physiologique, sans qu’on soit parvenu à une entente finale.
  3. La polémique de W. James, qui a fait fortune, passe constamment à côté de la vraie question, pour aboutir à creuser un abîme entre le physique et