Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
549
ANALYSES.john nichol. Francis Bacon.

la science telle que Bacon la conçoit, ou, si l’on veut, un côté mystique et humain à la fois, je dirai presque humanitaire. N’a-t-elle pas pour objet la plus grande gloire de Dieu et le soulagement des hommes ? Et l’un des principaux motifs qui poussaient Bacon vers elle, comme lui-même le disait dès 1592 dans une lettre à Burghley, et comme il n’avait cessé de le répéter, était la philanthropie (p. 124-128, et p. 105-106).

Le troisième chapitre peut se diviser en deux parties. Dans l’une on trouve (p. 150-176) les quatre sortes d’idoles, les trois moments, et en quelque sorte les trois pas de la science, suivant Bacon : histoire des faits, leur arrangement méthodique en trois tables de présence, d’absence et de degré, la découverte des causes ou des lois, à l’aide de certaines expériences qu’il appelle privilégiées. — Dans la seconde partie, de beaucoup la plus importante (p. 176-190), M. N. revendique d’abord l’originalité de Bacon, et montre bien qu’il apportait une forme nouvelle de l’induction, distincte de l’induction toute morale de Socrate, toute métaphysique de Platon, toute logique enfin d’Aristote, qui ne l’examine en passant que comme une forme particulière du syllogisme. Là-dessus M. N. ne fait point difficulté de reconnaître ce qu’il y a de chimérique dans la recherche des formes, qui est pour Bacon la tâche principale de la science, ainsi que la recherche du schématisme latent et du processus latent (où le philosophe semble cependant avoir eu comme la divination de découvertes réservées à des savants de notre siècle). M. N. fait un effort méritoire, sinon entièrement heureux, pour déterminer ce que Bacon entend par ces formes dont la connaissance doit nous rendre maîtres des phénomènes et nous permettre de les produire à volonté. Il montre du moins (p. 188, 189) que la forme de Bacon n’est ni l’idée de Platon, création d’une analyse mentale et métaphysique à la fois, ni la forme d’Aristote, résultat d’une analyse mentale encore, mais plutôt logique, ni le résidu sans cesse cherché, jamais trouvé, par les alchimistes dans leurs analyses physiques, mais je ne sais quel produit merveilleux d’une analyse logique et physique tout ensemble. Bacon cependant a eu tort de dédaigner les effets que mettait déjà à notre disposition la connaissance des causes efficientes, pour espérer des œuvres autrement étonnantes de la connaissance de ces formes, peut-être inconnaissables, sinon à titre d’hypothèses théoriques plus propres à satisfaire l’esprit par leur intelligibilité qu’à l’aider à agir efficacement sur la nature.

Le quatrième chapitre nous apprend ce que Bacon valait comme homme de science. M. N. rappelle d’abord tous ses titres scientifiques (p. 193, 194, note), ce qui n’est pas très long à dire. Puis, plaidant les circonstances atténuantes, il allègue le passé qui obsède toujours l’esprit de Bacon, et l’empêche même de bien voir le présent : l’avenir de la science est encore ce qu’il a le mieux entrevu. Vient ensuite une énumération d’ouvrages qu’il est trop facile de mépriser aujourd’hui, et qu’on méprisera même de plus en plus à mesure que la science avancera, mais qui ont été, comme l’Histoire des vents, celle de la Vie