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1o Un grand nombre de personnes dont l’opinion mérite d’être respectée pensent encore, paraît-il, que des chocs cérébraux, de violentes émotions de la mère pendant la gestation, peuvent affecter à ce point l’enfant, qu’il en portera certaines marques dont la forme ou les caractères rappelleront la cause de ces chocs et de ces émotions. Le père de Darwin, qui avait été longtemps médecin dans un hôpital d’accouchements, avait fait une enquête systématique sur ce sujet, mais bien que beaucoup de femmes enceintes lui aient annoncé que leur enfant porterait telle ou telle marque, il n’a jamais vu leurs prévisions se réaliser. Il serait utile de reprendre ces recherches dans les hôpitaux d’accouchements on interrogerait la mère ; on noterait sa réponse, puis on examinerait ensuite si ces prédictions se sont réalisées et en quelle mesure.

2o Il serait d’une haute importance de déterminer si les habitudes mentales acquises par les parents pendant leur vie se transmettent à leurs descendants. La question semble pouvoir être surtout élucidée par des expériences sur les animaux, en particulier les poulets, les poissons et les papillons de nuit ; il y a là un sujet de recherches d’un très grand intérêt dont un grand nombre pourrait être pratiqué avec fruit dans les laboratoires de zoologie maritime.

3o Il est préférable de faire de l’hérédité chez l’homme une étude distincte ; les lois de l’hérédité sont partout les mêmes, mais les constantes peuvent différer, et l’intelligence de l’homme en raison de sa puissance ne se peut exactement assimiler à celle des animaux. Il est nécessaire de se limiter aux trois degrés ou groupes suivants : les enfants, père et ses frères et sœurs, la mère et ses frères et sœurs. Les observations faites sur eux pourront être plus aisément vérifiées, et, en restreignant le champ des recherches, on atteindra des faits plus nombreux et d’une valeur plus réelle. Il faut s’efforcer de faire tenir des registres de famille qui fourniront à ceux qui nous suivront des indications que nous ne pouvons pas nous-mêmes nous procurer.

4o Il serait utile de déterminer par l’observation et l’expérience certaines constantes numériques applicables dans les formules mathématiques de la probabilité héréditaire. Il faut faire des recherches sur toutes les quantités mesurables : la taille, par exemple. Ici, comme tout à l’heure, il conviendrait de se limiter aux trois groupes : filial, paternel et maternel. Il serait très désirable que ces observations fussent faites parallèlement sur deux groupes distincts d’animaux : l’un de race pure, c’est-à-dire dans lequel les ascendants ont été soumis à la sélection pendant plusieurs générations, l’autre où le choix des reproducteurs a été fortuit. C’est dans les haras que l’on pourrait le plus aisément recueillir les données utiles. Les papillons de nuit conviennent également aux plus simples de ces expériences. Elles amèneront à découvrir la loi de la variabilité fraternelle et la loi de la régression, variabilité et régression qui s’amoindrissent à mesure que la race est plus pure.

5o Nous pourrions apprendre beaucoup sur l’origine des variétés