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sonnelles, nous donnons pour formules aux séries de mots comme bhâr-a-s, bhar-â-mi, bhr-ta-s : R′′ + Sa + Ds ; R’+ Sâ + Dmi ; R + Sta + Ds.

On peut affirmer, croyons-nous, que Pânini et ses devanciers n’eurent pas d’autre but que de résumer toutes les observations auxquelles prêtait l’examen grammatical du sanscrit dans une suite de formules du genre de celles qui précèdent, rangées dans l’ordre qui permettait le mieux de les rendre aussi concises et aussi peu nombreuses que possible.

Ce but a-t-il toujours été atteint ? c’est ce que nous ne rechercherons pas en ce moment. En tout cas, on risquerait de s’égarer en voulant trouver dans les travaux en question les traces d’un savoir plus profond que l’empirisme superficiel de grammairiens pour ainsi dire inconscients, ou d’une intention plus élevée de leur part que celle de s’assurer la possession d’une méthode favorable à la mémoire. Les premiers grammairiens de l’Inde ont fait de la grammaire, comme les premiers astronomes de la Chaldée ont fait de l’astronomie : dans un dessein essentiellement prochain et pratique. Il s’agissait pour ceux-là de s’assurer les moyens de conserver la lettre exacte des textes sacrés et les règles de la langue qui leur était propre, avec le moins de fatigue possible pour l’esprit ; de même que ceux-ci avaient pour but de déterminer les divisions du temps et les vicissitudes des saisons par l’examen des rapports des corps célestes avec la terre et des uns avec les autres. Peu importait aux premiers la nature intime du langage, les lois de ses développements, les causes et les fins des phénomènes qu’il présente ; les seconds ne se préoccupaient pas davantage des raisons qui président aux révolutions des astres et aux conditions du système qui en coordonne les mouvements. De part et d’autre on avait en vue des résultats plus directement utiles. Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner si, des deux côtés, ce qu’on ne cherchait pas resta à découvrir, et si dans l’un de ces domaines il fallut les efforts successifs de vingt générations d’observateurs et de savants pour aboutir à la théorie qui est devenue définitive avec Copernic, Kepler, Galilée et Newton.

En linguistique comparative indo-européenne, la grande erreur, selon nous, de Bopp, de Schleicher, de G. Curtius et des autres ouvriers de la première heure, a été d’admettre a priori comme conforme aux conditions réelles d’origine des formes grammaticales et aux combinaisons de leurs éléments primitifs, l’analyse nécessairement superficielle et uniquement basée sur les apparences des anciens grammairiens de l’Inde ; tandis qu’au contraire tout indiquait qu’il convenait de douter a priori qu’en pareille matière la nature avait