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KORSAKOFF.des maladies de la mémoire

que dans la conscience l’idée passe du premier groupe au troisième, en sautant le deuxième, qui n’est pas parvenu à l’état conscient. Il s’ensuit :

1o Que plus il s’est établi d’associations entre une impression et d’autres, plus il est facile de la rappeler, parce qu’il y a plus de chances que l’excitation trouvera sur son chemin un groupe de cellules qui aura perçu l’impression. C’est pourquoi il y a des impressions que l’on se rappelle souvent et d’autres qu’il est très difficile d’évoquer, parce qu’on trouve avec peine la voie par laquelle l’excitation est arrivée aux éléments qui en conservent la trace.

2o Que l’aptitude des impressions à être évoquées dans la conscience dépend de l’excitabilité des éléments nerveux qui en conservent les traces ; et cela dépend en partie de l’intégrité de ces éléments, en partie de l’intensité des traces qui y sont restées ; plus les traces sont profondes, plus l’excitabilité est vive.

Nous pouvons déjà dire a priori quelles impressions seront rappelées plus souvent, et lesquelles, plus rarement ; lesquelles s’effaceront plus vite de la mémoire, lesquelles seront plus durables. Il est évident que les impressions qui auront laissé les plus profondes traces, dont les relations associatives seront les plus nombreuses, seront les plus résistantes et s’effaceront le plus difficilement. Au contraire, les impressions nouvelles qui n’auront pas encore eu le temps de s’associer solidement à la totalité des autres impressions, disparaîtront plus vite. Ensuite, les impressions qu’aura accompagnées une puissante réaction psychique se conserveront, pour la plupart, plus longtemps que celles qui seront accompagnées d’une réaction plus faible ; c’est la raison pour laquelle les impressions violentes subsistent plus longtemps que les impressions légères, et que la mémoire des sentiments chez l’homme normal est de plus longue durée que celle des procès intellectuels. Enfin, les impressions perçues alors que la faculté de fixation était affaiblie par un état morbide ou par une intoxication, restent inaccessibles pour la mémoire. On peut expliquer ainsi l’amnésie dans les cas d’ivresse ou d’épilepsie.

Cette différence de la résistance de la mémoire des différentes catégories d’impressions a été établie par M. Ribot dans son livre intitulé « les Maladies de la mémoire », et nous avons déjà fait remarquer que nos observations confirment en grande partie ses conclusions.

Usons donc maintenant de ces données sur l’étude de la mémoire pour expliquer les particularités de nos cas d’amnésie. Commençons par l’explication de la plus simple. Nous avons vu que dans la période