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quels on peut sans inconvénient les confondre. Or, aux yeux de notre auteur, les fous moraux ou les criminels-nés ressemblent aux épileptiques par les traits suivants, que je cite comme échantillon de ses assimilations habituelles. Même retard dans l’équation personnelle relativement aux gens normalement constitués. Même vanité. Même penchant à se contredire et à tout exagérer. Même irritabilité morbide, mauvais caractère, lunatique et soupçonneux. Même obscénité. Incidemment, le coït est assimilé à la convulsion épileptique de même que l’accès de génie et la furie criminelle. L’accès de génie, notamment, par son instantanéité, sa violence, l’amnésie consécutive ( ?), est épileptiforme… On se demande ce que signifie, au net, l’épilepsie ainsi comprise. Même disvulnérabilité. Observons que la disvulnérabilité des malfaiteurs ruraux, illettrés, leur est commune avec toutes les personnes de leur classe ; celle des malfaiteurs urbains, raffinés, est imaginaire[1]. Même cannibalisme : Cividali a vu un épileptique « manger le nez à trois de ses compagnons ». Soit, mais dans les batailles après boire, entre paysans, on voit souvent l’un des combattants, point épileptique le moins du monde, enlever avec les dents un morceau du nez ou de l’oreille de l’autre. Ici, la persistance de sauvages habitudes, remontant aux lointains aïeux, peut être invoquée comme explication. Mais, chez l’épileptique, les excès dont il s’agit ont une autre origine ; nous le verrons. Même tendance au suicide. Même penchant à s’associer : dans les maisons de santé, les épileptiques se distinguent des autres aliénés par le goût de l’association qui leur est commun avec les pensionnaires des maisons d’arrêt. Ajoutons : et avec les honnêtes gens. Si l’épileptique est sociable, c’est simplement parce qu’il n’est pas fou[2], quoi qu’en dise Lombroso. Car la folie est, par essence, l’isoloir de l’âme.

N’objectez pas à toutes ces similitudes plus ou moins factices que, par deux caractères au moins, l’intermittence des accès et l’amnésie consécutive, l’épileptique contraste avec le criminel-né. On vous répondra que, d’après les gardiens des prisons, les prisonniers ont dans leur journée un mauvais moment, et que, d’après Dostoïesky (Maison des morts), le retour du printemps surexcite l’instinct de vagabondage chez les détenus. (Nous verrons plus loin que tout, psychologiquement, et non pas les seuls penchants criminels, est périodique.) Lombroso et son collègue Frigerio disent avoir observé

  1. Voir le Crime, de Henry Joly, à ce sujet.
  2. Je veux dire qu’il n’est pas fou dans l’intervalle de ses accès, malgré l’empreinte permanente que le tempérament épileptique imprime au caractère. Quant à l’accès épileptique, on doit y voir une folie intermittente, une manie passagère.