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de la sensation, en comparant ce qu’ils éprouvent à ce qu’il avance, si suos actus nostris dictis contulerit, aussi facilement qu’ils peuvent compter sur leurs doigts. Voilà ce qui l’oblige aux digressions, divagari compellor.

Il faut avouer que Gomez Pereira — et Descartes a cela de commun avec lui — se faisait illusion sur la moyenne des intelligences. S’il prétend se mettre à la portée des plus humbles, il se plaît, en revanche, à lutter avec les plus fortes. Il paraît avoir approfondi le traité de l’Âme d’Aristote, qu’il allègue souvent avec ses écrits de philosophie naturelle. Il ne manque pas de citer la formule magistrale : Tout ce qui est dans l’entendement a passé d’abord par les sens. Expliquant un texte de saint Augustin, il remarque que l’image ne peut être conçue hors de nous, mais par la connaissance abstraite, qui nous fait connaître où est l’objet, par l’image de l’endroit qui nous affecte intérieurement. C’est l’image du lieu qui fait connaître le lieu absent. Cette remarque est capitale dans la théorie du langage et dans la doctrine des illusions et des hallucinations. Il approuve saint Augustin d’avoir dit que l’âme connaît le présent et l’avenir, d’après les effets produits en elle par les images ; mais il le blâme d’avoir cru que l’âme, dans la sensation, soit intuitive ou abstraite, se connaît elle-même.

On sait qu’il n’admet point la simultanéité de la perception et de la conscience de cette perception.

Du dogme fondamental d’Aristote, il tire cette conséquence, que la sensation ne pouvant s’opérer sans les choses sensibles, l’intellect ne saurait non plus s’exercer sans images. Les animistes ont cherché à expliquer les faits tératologiques du produit de la conception par l’influence directe de l’âme de la mère sur le fœtus. Sans nier cette influence occulte, Gomez Pereira fait intervenir les sens externes et les images conservées dans la région postérieure du cerveau, d’où lon croyait alors que provenait le plus pur de la semence ; et il applique sa théorie sensualiste à l’explication d’un fait rapporté par la Bible à propos des brebis de Jacob, mettant bas des agneaux tachetés. C’est ainsi qu’il appuie une proposition plausible d’une assertion erronée.

Les anciens croyaient la semence d’origine nerveuse, comme la rosée d’origine céleste, et, avec beaucoup de logique, ils admettaient la sécrétion du fluide séminal chez la femelle.

Une thèse chère à Gomez Pereira est celle-ci : L’imparfait ne saurait engendrer plus parfait que soi, non posse ab imperfeclo perfectius gigni. Assertion qui paraît contraire à la théorie de la génération progressive, et même à la conception du progrès. Dans