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guardia. — philosophes espagnols

psychologie ! et quelle thérapeutique ! L’empirisme le plus brut vaut cent fois mieux que ces théories creuses qui aboutissent, dans la pratique, à l’horrible supplice de la douche et de la camisole de force.

En alléguant l’autorité de saint Augustin, en son livre de la Trinité, Gomez Pereira remarque avec ironie que la raison, qu’il met avant tout, peut aussi citer des textes ; et il emprunte à ce docteur la distinction des termes mens et anima. Puis il fait une dissertation physique sur ces deux thèses : 1o L’objet présent qui affecte les sens peut n’être point connu lui-même, tout en procurant d’autres connaissances ; 2o les objets absents peuvent aussi être connus par intuition. Il est amené à traiter des illusions des sens ; et, à propos de la connaissance que l’homme peut acquérir de ce qui n’est point, il s’efforce de dégager la responsabilité de Dieu, par une concession aux théologiens qui ont imaginé le diable et le péché originel pour justifier le mal qui surabonde dans l’œuvre de Dieu.

Les illusions des sens ne peuvent être dites des images des choses qui sont, puisque c’est du réel, de ce qui est, que naît la vraie connaissance. Les apparences trompent souvent : on ne connaît point la lune en la voyant telle qu’elle paraît. Il ne suffit donc pas, pour connaître, que la faculté de sentir soit affectée, parce que la sensation n’est pas toujours suivie d’une perception exacte, nam potior pars eorum quæ sentiuntur, non exacte percipiuntur. C’est là une vérité que le microscope et le télescope ont rendue banale. La faculté de connaître s’est développée en raison du développement artificiel des sens. Reprenant ensuite le passage de saint Augustin, il remarque finement que, lorsqu’un objet provoque et absorbe l’attention, il n’est pas besoin d’imaginer des accidents. L’attention n’est point un accident de l’âme, distinct de l’âme ; c’est l’âme même, voulant se comporter envers cet objet comme elle ne se comporte pas avec les autres. Voilà précisément l’attention. C’est un mode de l’âme et rien de plus. L’intention évidente est de réduire les facultés, multipliées par une analyse minutieuse et incomplète. De là un effort pour ramener tout l’appareil psychologique au phénomène initial de la sensation. Il marche à l’unité par la simplification. Quelle différence y a-t-il entre la manière d’être de l’âme dite attention et l’autre manière d’être dite vision ? Et en quoi diffèrent les autres modes ou manières d’être ? Ils sont inconnus a priori, mais connus a posteriori, d’après divers effets qui sont en rapport avec les situations diverses du corps. Or, l’âme pouvant aussi être affectée de diverses manières, ses états peuvent varier en consé-