Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
389
guardia. — philosophes espagnols

La connaissance de l’action réflexe la plus élémentaire, de nature purement organique, eût épargné aux philosophes purs la peine de créer tant d’entités fictives, dont les noms s’interposent, comme autant de fantômes, entre l’esprit et la réalité. N’ayant point la clef de la psychologie, tous les psychologues ont fait leur siège, et la place n’a pas été prise. Ils l’ont décrite néanmoins, comme d’autres visionnaires ont dressé le plan de la cité céleste.

La médecine positive a préservé Gomez Pereira de ces sublimes hallucinations. Il déclare nettement que toutes les sensations s’opèrent par les nerfs dont la racine est dans le cerveau, a cerebro oriri omnes nervos per quos in nobis sensationes universæ fiunt, visu, auditu, tactu, gustu, olfactu. C’est clair et net. Ce démonstrateur tient le fil, et il ne le lâchera point. Remonter à l’origine, à la source, au principe du mouvement et de la sensibilité, c’est apprendre à connaître la vie sous toutes les formes et à tous les degrés. La médecine sert donc à autre chose qu’à traiter les fièvres et à panser les ulcères ; et les médecins philosophes sont ceux qui voient au delà du métier. Si minime qu’en soit le nombre, ils ont bien mérité de la philosophie. Descartes ne pensait-il pas à son précurseur en rapportant à la médecine la vraie connaissance de l’homme et les perfectionnements de la vie humaine ? Son traité des passions de l’âme n’est qu’un essai de physique ou de mécanique animale, où l’âme n’a rien à faire. S’il avait su la médecine, comme Locke, il eût devancé ce dernier, qui a démoli ses échafaudages, et près d’un siècle eût été gagné pour la philosophie. Mais il avait, comme on la dit, peur des esprits, et, quoique militaire, il n’a pu emporter la place.

Malgré toutes les précautions que lui commandait la prudence, même avant Galilée, Gomez Pereira s’est montré plus brave. Il nie hardiment la spontanéité des mouvements vitaux, admettant une force motrice, soit externe, soit interne. Puis il insiste sur le rôle du système nerveux d’origine cérébrale, qui préside aux mouvements organiques, à la contraction, à la tension, au relâchement des muscles, dans les espèces animales et humaine, etiam ab eodem oriri nervos illos, quibus tam musculi humani quam brutorum contrahuntur. Trente ans après, Oliva Sabuco imaginera de renouveler la médecine et la philosophie par l’hégémonie du système nerveux cérébro-spinal.

La raison du mouvement, soit d’aversion, soit d’attraction, chez les animaux, est fort simple. Ce mouvement est produit par un organe de sensation, dont l’action s’étend jusqu’à cette partie du cerveau d’où émergent les nerfs. Cette région affectée par l’image