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guardia. — philosophes espagnols

veau, in anteriore parte cerebri, par lequel sont perçus les actes des sens externes, et par lequel aussi ces actes sont distingués des objets sensibles. C’est ainsi qu’il arrive à l’étude élémentaire des sensations, qui est la base de toute la psychologie, en tirant lui-même la conclusion des raisonnements de ses adversaires, les partisans de l’âme des bêtes : « Elles sentiront donc, dit-il, qu’elles voient, qu’elles flairent ; elles distingueront entre l’odeur et la couleur, elles en feront mentalement la différence. Dans ce cas, elles distingueront l’accident de la-substance, brutis permitti accidentium et substantiæ dignotio. À tout le moins, elles connaîtront l’odeur et la couleur comme des accidents inhérents à la substance. »

Après cette sorte d’introduction l’auteur devrait exposer les causes du mouvement des animaux ; mais il lui plaît de faire une digression sur la puissance du syllogisme complet, instrument qu’il manie avec une dextérité merveilleuse. Poser des prémisses et conclure, voilà à peu près toute la science, laquelle ne se fait que par démonstration. Il était si convaincu de l’omnipotence de la logique, qu’il écrit cette phrase singulière : Et cum nihil vere sciri sine demonstratione possit, cum scientia sit habitus conclusionis demonstratione acquisitus, restat perpetuuin esse veritatis demonstrationum præmissarum proprietatem occultam tantum causam futuram. Les propriétés occultes, c’est l’inconnu, l’archée de Van Helmont, l’âme de Stahl, le principe vital de Barthez, l’x des algébristes, la vérité enveloppée dans une formule, en un mot, ce qui ne se démontre pas plus qu’un axiome de géométrie. Bien qu’il ne se paye pas volontiers de mots, ce démolisseur des vieilles doctrines s’exprime ainsi : Qualitates elementorum, quæ primæ appellantur, etiam occultis proprietatibus præditæ sunt. Galien, qui a érigé en système les qualités premières, n’a jamais été aussi loin, parce qu’il se payait de mots. Du reste, Gomez Pereira déclare qu’il n’y a rien d’occulte dans les propriétés multiples qu’il reconnaît comme attributs de la substance. En revanche, avec les qualités occultes, il réduit à rien la causalité. C’est ainsi qu’il explique l’action et les effets du froid et du chaud, comme l’attraction de l’ambre et de l’aimant, par un mécanisme purement physique. Sa tendance vers le mécanicisme est évidente. Il semble réduire toute la philosophie à un problème de mécanique, ne séparant pas l’homme de l’animal et de la plante, ni l’organique de l’inorganique. La propriété occulte, c’est ce qu’ont de commun au fond tous les phénomènes des trois règnes de la nature.

La propriété occulte que l’on constate dans les couleurs vient de la nature, de même que celle des mouvements, soit naturels, soit