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ment que l’on a appelé la civilisation arabe, dont les centres ont été Damas en Syrie, Bagdad surtout, l’œuvre du Calife, et enfin Samarcande dans le pays des Turcomans. Tels furent en Orient les sièges principaux de la civilisation arabe. En Occident et en Espagne, ce furent surtout Grenade et Cordoue. Cette civilisation brillante, mais un peu superficielle, a servi de transition entre la civilisation gréco-romaine et la civilisation moderne. Les Arabes ont été les intermédiaires entre les écoles grecques et les écoles du moyen âge. Étudions d’un peu plus près, en ce qui concerne la philosophie, ce singulier phénomène.

Lorsque les Arabes conquirent la Syrie et la Perse, ils durent rencontrer dans ces deux pays des traditions grecques, des écoles grecques, des ouvrages de littérature, de science et de philosophie grecques. Les choses ont beau finir ; elles ne finissent jamais complètement. Il reste des germes qui refleurissent. Nous avons vu que le roi perse Chosroès s’occupait de philosophie. Nous savons qu’il s’était fait nombre de traductions des philosophes grecs en syriaque. On signale à la Bibliothèque nationale l’existence d’un manuscrit syriaque de Paul le Perse, qui contient l’abrégé de la Logique d’Aristote. Il existe encore un certain nombre de manuscrits de ce genre : par exemple, l’Isagoge de Porphyre. Il y eut donc une continuation d’études philosophiques, très abaissées sans doute, mais non complètement abandonnées dans l’Asie grecque, et même dans les États voisins. Lorsque les Arabes se furent établis en Syrie et commencèrent à s’occuper de sciences, ils durent s’instruire auprès, des maîtres grecs, car ils n’eurent jamais par eux-mêmes aucune originalité. Leur esprit subtil, logique et terre à terre se trouve plus à son aise dans les écrits d’Aristote que dans ceux de Platon. Ce furent surtout les écrits logiques d’Aristote qu’ils se mirent d’abord à étudier. Dès le xe siècle, on trouve des traductions arabes de la Logique d’Aristote. Les principaux traducteurs arabes furent Hassaïn ben Ishac, médecin nestorien de Bagdad, vers le milieu du ixe siècle, et son fils Hishac ; au xe siècle, Yahya ben Adi et Isa ben Zaara. On traduisit aussi les commentateurs d’Aristote. Platon au contraire fut peu cultivé et peu traduit. On signale cependant un auteur du xiiie siècle, Djemal-Eddin, comme ayant traduit la République, les Lois et le Timée.

Les Abassides en Orient, les Ommiades en Espagne, essayèrent de créer un mouvement intellectuel et scientifique. Le plus grand nom de l’Arabie asiatique fut Avicenne, sujet persan, né à Bouckara dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Turkestan. Il se fit une réputation immense dans tout l’Orient, surtout comme médecin ; mais il s’est