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notices bibliographiques

G. Cesca. — La religione della filosofia scientifica, in-8o, 42 p.. Padoue, Drucker, 1889.

M. Cesca est un des nombreux apôtres d’une religion conforme au progrès scientifique, et ayant pour fin et pour objet la fraternité et l’amélioration humaine. Ce sera une religion sans surnaturel et contenant seulement l’élément principal de toutes les religions passées. Mais cette foi ardente au progrès, cet amour enthousiaste de l’humanité, peuvent-ils constituer une religion ? N’est-ce point là un abus de mots ? M. Cesca prévoit les objections, et voici comme il en triomphe.

Point de religion sans culte, sans un ensemble d’observances systématiques destinées à soutenir le sentiment religieux : fort bien ; la religion morale aura aussi un culte. Entendons par là des fêtes et des cérémonies communes pour célébrer l’anniversaire d’hommes et d’événements qui eurent une influence supérieure sur le cours de la civilisation. Ce n’est pas tout : les hommes se réuniront pour vivre et penser ensemble, pour assister à des lectures, à des représentations, pour faire de la musique instrumentale et chorale, tous moyens propres à entretenir et élever l’idéal moral. L’émotion esthétique peut facilement s’unir au sentiment moral et devenir un facteur de la moralité. Quel autre nom que celui de religion donner à cet ensemble de croyances et de sentiments, moraux et sociaux par excellence, qui ont pour base la nécessaire convivance des hommes, la sympathie, et ont une action puissante sur la conduite humaine ? La religion morale réussira mieux que toutes les autres à satisfaire les sentiments et les aspirations qui donnèrent vie aux conceptions religieuses. En effet, dans l’humanité, dans la durée indéfinie de la vie humaine, elle a l’équivalent de l’infini ; la capacité indéfinie de perfectionnement s’ÿ ajoutant, elle a pour l’imagination et pour le sentiment sympathique un objet assez vaste pour donner satisfaction à toutes les aspirations les plus élevées, les plus personnelles à la fois et les plus désintéressées.

La fondation de cette nouvelle religion est, selon M. Cesca, un des plus urgents besoins de notre siècle. À elle de combattre l’immoralité croissante, la décadence politique et sociale, la dégénérescence physique. À elle de réunir tous les hommes dans une seule Église, de les rendre dévots au culte de l’idéal, de faire disparaître toute barrière entre nations et races, de supprimer les haines qu’une longue suite de faits historiques ont interposées entre les hommes, de réaliser enfin ces maximes de solidarité, d’égalité, d’humanité, qui depuis des siècles constituent le rèvele plus cher des esprits d’élite. Cet idéal, qui est loin d’être encore une réalité pour nous, ne sera possible à réaliser qu’avec le développement de l’instruction scientifique pour tous les hommes.

Voilà bien, si je ne me trompe, la foi au progrès, telle que nous la voyons se manifester chez tous les penseurs humanitaires, depuis Condorcet. Ce qu’il y a de nouveau, c’est l’appel fait par M. Cesca aux hommes de bonne volonté pour constituer cette Église de l’idéal moral. Pourquoi ne développerait-il pas son idée, pour nous en mieux montrer