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notices bibliographiques

la croyance, et nous serions mal venu à juger ce désir chimérique : nous le louons au contraire, et très franchement, de n’avoir point désespéré d’une cause momentanément compromise, de prendre très au sérieux les mots de liberté et de responsabilité ; nous le louons plus encore d’avoir mérité d’être discuté par un homme tel que M. A. Réville. Encore une fois, toute pensée sincère a droit au respect, surtout quand, au lieu de suivre le courant, elle tente de le remonter. Ce n’est point toujours marque d’étroitesse d’esprit, que de faire machine en arrière. Mais il ne faut pas oublier d’attacher des wagons à la machine et surtout il faut que des voyageurs montent dans les wagons. S’il s’agit de voyager à travers des pays nouveaux, il s’en trouvera pour monter ; s’il s’agit de leur faire visiter rapidement un pays déjà vu autrefois, et plus à loisir, on peut craindre qu’ils ne laissent le mécanicien tout seul sur sa machine.

L. D.

Prosper Pichard.Doctrine du réel. Catéchisme à l’usage des gens qui ne se payent pas de mots, précédé d’une préface par E. Littré. Nouvelle édition, 1 vol.  in-12, xxii-191 p., Reinwald, 1889.

Ce titre nous avait fait concevoir de belles espérances : qu’on se mette à notre place dans ce premier moment où, avant d’avoir ouvert le livre qu’on va lire, on cherche à en pressentir le contenu. Que d’idées éveillent ces mots : Doctrine du réel ! Tous les grands problèmes de la métaphysique, de la logique, de la psychologie même nous paraissaient devoir trouver place dans la compréhension de l’ouvrage. L’illusion n’a pas été de longue durée ; la première question du catéchisme est celle-ci : « Qu’est-ce que le vrai ? — Réponse : Ce qui a été, ce qui est et ce qui sera. » De la part d’un auteur qui ne se paye pas de mots cette définition nous étonne, car il est difficile de trouver un terme plus vague que celui d’être. On pourrait aisément montrer que plus d’une fois M. Pichard se paye de mots. Il serait, d’ailleurs, assez peu intéressant de donner une analyse complète de son livre. On connaît la philosophie d’Aug. Comte ; mettons les principales doctrines du fondateur du positivisme sous forme de demandes et de réponses, en ayant soin de laisser de côté ce qui à rapport à la religion et au culte positifs, rien de moins et rien de plus, et nous aurons la Doctrine du réel.

Il y a vingt ans que ce livre a été écrit ; l’auteur a cru que le besoin d’une seconde édition se faisait sentir. Nous sommes de son avis, mais nous n’avons rien trouvé dans la nouvelle édition qui n’ait pu être dans la première. Il aurait pourtant fallu tenir compte de vingt années de progrès pendant lesquelles le positivisme s’est certainement modifié, du moins dans le détail.

Les théories scientifiques que M. Pichard expose n’ont pas cessé d’être vraies depuis 1869, mais elles sont devenues bien banales. Ce