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particuliers, aucune philosophie, même la plus grossière n’est possible ; que lorsqu’on en connaît un certain nombre, la philosophie qui correspond à cet état du savoir est essentiellement hypothétique ; qu’enfin toute philosophie hypothétique aboutit nécessairement à la constatation de l’impuissance de l’esprit humain en ce qui touche les dernières généralisations des sciences, c’est-à-dire aboutit, en d’autres termes, à la constatation de la prématurité de toute philosophie. La théorie de l’inconnaissable est ce peccavi, ce confiteor de l’ancienne philosophie ; en faire le non possumus de la nouvelle est une étrange aberration.

« … Dans cet ordre d’idées, il n’y a d’ailleurs, actuellement, qu’à réprouver la méthode ordinaire suivie par les philosophes ; qu’à étudier l’évolution de la pensée philosophique dans la science spéciale, la sociologie ; qu’à reléguer la théorie de la connaissance dans la science spéciale, la psychologie concrète. Pour le reste, il faut s’en remettre à l’action des grandes lois dynamiques qui règlent l’ordre d’apparition des différents membres de la vaste série hyperorganique des idées générales. Il faut comprendre que la nouvelle philosophie viendra à son heure, après la nouvelle psychologie, et qu’elle se distinguera de l’ancienne autant que le savoir scientifique et indirect se distingue du savoir vulgaire et direct. On ne peut prétendre aujourd’hui qu’à indiquer d’une façon sommaire l’un des caractères les plus saillants de la nouvelle philosophie. En se refusant énergiquement à employer la méthode qui a fait la fortune des sciences, la philosophie cessera d’en être la doublure incohérente et évitera du même coup l’inconnaissable, cet écueil et cette illusion de son premier âge. »

« La nouvelle philosophie ne sera ni de la science, ni de l’art, ni de la métaphysique, ni de la religion. Que sera-t-elle donc ? Ce qu’elle a toujours cherché à devenir, sauf les vices de fond et de forme déjà signalés : une conception de l’univers, à laquelle on arrivera par une analyse générale des lois et des définitions de la science, suivie de leur synthèse générale et purement déductive. »

La troisième partie de l’ouvrage est consacrée à l’idée de Dieu, dans ses rapports avec l’inconnaissable. L’idée de Dieu est raccordée, par M. de Roberty, à une théorie ingénieuse de l’identité des contraires. « L’identité des contraires a été une vérité mal située par la philosophie. C’est une question d’ordre psychologique, dont on n’a pas vu la partie spéciale et restreinte ; on a cherché à en faire une équation universelle, la loi suprême, la formule unique des choses. On l’a ainsi rendue stérile pendant des siècles.

« Le grain de vérité à côté duquel les philosophes ont passé et qu’ils n’ont fait que recouvrir de nouvelles couches d’erreurs, se réduit à un fait mental des plus simples et des mieux connus. Toute abstraction négative se résout en images qui sont les mêmes comme genre, mais qui sont autres, comme espèce, que les images auxquelles se ramène l’affirmation contraire, l’abstraction positive. C’est ainsi, par exemple, que l’abstrait négatif non-blanc se ramène nécessairement à l’image d’un