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« Mais la thèse devient absolument fausse si l’on aborde le problème par un autre côté, et si l’on décompose le phénomène complexe en ses éléments constituants. Une semblable analyse nous conduit sans peine à la conviction qu’il y a une identité parfaite entre les concepts « centraux » des religions les plus primitives, ou des systèmes métaphysiques les plus arriérés, les plus personnels, et le concept de l’inconnaissable. La foi religieuse en métaphysique et les croyances de l’agnosticisme nous apparaîtront alors comme des groupes de phénomènes sociologiques parfaitement homologues, remplissant essentiellement les mêmes fonctions et suivant les mêmes lois de métamorphose. »

On voit à peu près, par ce passage, comment l’auteur comprend l’inconnaissable ; il est difficile de résumer tout ce qui suit, je me bornerai à citer, pour éclaircir certains points qui peuvent paraître obscurs, dans les rapprochements que M. de Roberty établit entre la théorie de l’inconnaissable et toutes les formes de la théologie ou de la métaphysique, quelques-uns des passages qui m’ont paru le plus caractérisques.

« L’inconnaissable, pris au pluriel, — et c’est la forme que lui donne le fondateur du positivisme qui enseigne le respect absolu des causes premières et finales, — possède une évidente liaison avec le polythéisme ; pris au singulier, — c’est la forme préférée par Spencer, — ce concept a une connexion non moins manifeste avec le monisme théologique. » Et il paraît bien, en effet, que dans le cas de la métaphysique de l’agnosticisme, comme dans le cas de la théologie, il y a une sorte de personnification, beaucoup plus vague dans le premier cas, de ce qui nous est inconnu. M. de Roberty insiste sur les analogies des croyances :

« La métaphysique cherchait les causes premières et finales là où elles ne pouvaient se trouver, l’agnosticisme positiviste et critique ne les cherche pas du tout ; cela n’empêche pas que cette opposition apparente ne soit le plus puissant et peut-être le dernier lien de parenté et de similitude héréditaire qui unisse la philosophie du passé à celle du présent. Poursuivre les erreurs en s’y prenant mal, ou renoncer à cette poursuite à cause de ces échecs même, c’est, en effet, se retrouver devant la même négation. Entre l’inconnaissable qu’on cherche à rendre connaissable par des procédés extra-scientifiques et l’inconnaissable qu’on ne peut connaître par les méthodes de la science et qu’il faut, par conséquent, abandonner aux méthodes que la science proscrit, la distinction est théoriquement bien subtile ; et, quant au point de vue pratique, le premier exemple venu peut nous convaincre que le passé et le présent ont donné, pour certaines questions, des solutions absolument identiques. »

On voit comme tout change selon le point de vue. Un chrétien sera évidemment porté à regarder l’agnosticisme de Spencer et les conclusions de M. de Roberty comme deux formes très rapprochées de l’incrédulité et à les opposer toutes deux à la religion. Le jeu des oppositions et des rapprochements varie à mesure que varie ce que