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GUARDIA.philosophes espagnols

altère si ridiculement le titre de son ouvrage de médecine, qu’il lui fait dire tout le contraire de la vérité. Ce n’est pas que le docte chanoine de Séville fût sujet à des distractions ; non, il était trop sérieux pour cela ; mais il voulait être complet, et en conséquence il écrivait sans savoir, par ouï-dire. Un faiseur de catalogues devrait au moins avoir vu le dos et le frontispice des livres qu’il enregistre sans les lire. Le bon Haller, qui avait la rage de ces compilations, ne se doutait pas que notre philosophe fût un grand praticien et un hardi réformateur de la théorie et de la pratique médicales ; et comme ses Bibliothèques sont le grand répertoire où puisent les historiens de l’art, ce nom doublement glorieux a fini par disparaître de l’histoire de la médecine. Il ne se trouve pas dans l’interminable liste des auteurs grands et petits, qui n’est pas un des moindres ornements de la troisième édition de Haeser, docte et laborieux historiographe, dont l’ouvrage, bien connu en France, est classique en Allemagne. Le moins insuffisant des biographes est Moréri, qui a été copié par son abréviateur Ladvocat, et suivi par Beuchot dans la Biographie universelle, et par le D° Hæfer, dans celle qu’a dirigée ce savant. Donc, renseignements biographiques presque nuls, et notices bibliographiques ou erronées ou incomplètes.

Pour rendre justice aux biographes et aux bibliographes, si pauvres en détails, il faut ajouter que l’Espagne, avec son incurie proverbiale, incuriosa suorum, n’a rien fait de sérieux pour restaurer la mémoire du premier de ses quelques philosophes. Toutes les démarches tentées par l’entremise de quelques amis auprès des personnes compétentes ou réputées telles, sont restées infructueuses. Les Espagnols qui écrivent et enseignent se montrent généralement plus enclins à faire des phrases que des enquêtes sévères sur le passé. Le goût de ces recherches rétrospectives semble s’être éteint avec le consciencieux biographe Fernan Caballero. L’honnête et laborieux Morejon est le seul qui ait traité avec compétence du médecin-philosophe, dans son Histoire bibliographique de la médecine espagnole. Comme il l’avait lu, son exposé de la doctrine, bien que très sommaire, n’offre que des erreurs d’interprétation, très excusables de la part d’un homme qui n’allait pas volontiers au fond des choses ; mais son article, d’ailleurs intéressant, n’apprend rien de nouveau sur le personnage. On n’est guère plus avancé quand on a lu la monographie du médecin-philosophe par un compilateur contemporain qui confond volontiers la bibliographie avec l’histoire littéraire, dans un recueil en deux volumes intitulé « la Science espagnole ».

Où commença, où finit la vie de Gomez Pereira ? On n’en sait rien absolument. La date de sa naissance est probable, et celle de sa