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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

tées de la mimique ; elles font allusion aux qualités, aux formes, à l’expression de la figure humaine ; elles symbolisent les manières d’être, les caractères, les divers états de la personne humaine. Tant il est vrai, comme on l’a dit Gœthe (Maximes et Réflexions), que l’art est essentiellement anthropomorphique.

Les divers styles de l’architecture nous fourniraient une nouvelle preuve. Chacun d’eux, en effet, se caractérise et se distingue de la même façon par les qualités morales qu’il rappelle et qu’il est propre à exprimer. Le style dorien, grave, sévère, annonce la force et la puissance. Le style ionien, gracieux, élégant, a quelque chose aussi qui rappelle les mœurs de la voluptueuse Ionie. Le style corinthien est riche, pompeux, majestueux. Pourquoi la torsade est-elle plutôt de mauvais goût ? N’est-ce pas qu’elle est contournée, mouvementée, qu’elle semble s’agiter et se tordre sous nos yeux, ce qui contredit le calme de cet art ? Il y aurait bien d’autres analogies à signaler si l’on voulait considérer le caractère symbolique de l’architecture dans son rapport avec le climat, le milieu, le caractère et l’esprit national des différents peuples, la destination religieuse, civile, militaire des édifices.

Ce qu’il fallait montrer ici, c’est que l’art qui emprunte le plus à la nature morte, qui, par la matérialité, la rigidité et la régularité de ses lignes et de ses formes, s’éloigne le plus de la nature vivante, offre aussi en spectacle à l’homme sa propre image idéalisée, comme un reflet de son âme et de ses idées. Ce que la mimique exprime directement, immédiatement, dans le corps vivant, elle le représente indirectement, symboliquement, comme simple écho de la vie spirituelle.

IV. C’est surtout avec les arts de la deuxième série, la Musique et la Poésie, que la mimique contracte une étroite alliance. La raison en est aisée à concevoir. Les arts du dessin sont les arts de la vue ; l’immobilité caractérise les images qu’ils offrent à nos regards. La mimique, elle aussi, s’adresse à la vue ; les formes du corps humain en repos, le maintien, la physionomie jouissent d’une certaine immobilité. Toutefois son mode de représentation est le mouvement. Le geste, son moyen principal, est un acte successif, un mouvement. La danse est un ensemble de mouvements rythmés et cadencés. Le jeu de la pantomime est du même genre. C’est un spectacle également successif ; le propre du mouvement est de s’accomplir à la fois dans l’espace et dans le temps. Sous ce rapport, la mimique est un art mixte ou mitoyen. C’est pour cela qu’il doit servir, dit-on, d’intermédiaire entre les deux groupes ou séries, être le trait d’union qui les réunit et rétablit entre eux l’unité. On ne saurait y contredire.