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Elle est faite alors pour exprimer ou symboliser des idées qui ne sont pas proprement de son domaine, les idées de l’ordre religieux, national, guerrier. Telle est la danse primitive dans les temps anciens, la danse chez les Grecs par exemple, caractère qu’elle conserve plus ou moins à mesure que l’on avance dans l’histoire.

Les danses sacrées représentent des sujets de la mythologie ; ce sont des fables mises en action, des scènes où figurent les dieux, les héros, etc. ; ou bien ce sont les révolutions des astres, etc. La danse alors fait partie du culte ; elle-même est une de ses formes. C’est ainsi qu’elle apparaît dans les cérémonies religieuses, dans les fêtes de Bacchus et d’autres divinités (Cybèle, Apollon, etc.). La danse guerrière est un exercice guerrier, une représentation des exploits des héros. Le danseur y est armé de son bouclier, il brandit le javelot, etc.

La danse est aussi un exercice gymnastique propre à donner plus de souplesse et d’agilité aux membres. (Voy. Platon, Lois, II.) Ce n’est donc pas la danse en elle-même et pour elle-même comme art libre, appelé à donner le spectacle du beau (ars decoris in motibus), l’harmonie des belles formes et des attitudes gracieuses, ce qui a fait comparer la danse à la sculpture en mouvement. Ceci est beaucoup plus tardif ou accessoire. Mais dès que cet art veut exister par lui-même et pour lui-même, qu’arrive-t-il ? Il arrive qu’il n’est plus qu’un simple divertissement, un amusement, un jeu, un complément, comme l’envisage Plutarque, du plaisir de la table ou des banquets. (Sympos.)

Ainsi, au lieu de suivre la loi de tout art, la mimique y contredit. Dès qu’elle est elle-même, elle descend au-dessous du niveau de l’art proprement dit ou elle est un art tout à fait secondaire, qui ne peut prétendre à l’égalité avec les autres arts.

Et pourtant, qui le niera ? la mimique a un rôle important à jouer. Mais elle reprendra son importance et son véritable rang avec son utilité, c’est-à-dire quand elle deviendra un art accessoire et auxiliaire, destiné à accompagner et seconder les autres arts, comme il sera montré plus loin. Par elle-même, si elle veut s’isoler, se poser en face des autres, son infériorité devient manifeste.

Si de ce point de vue on vient à peser les arguments que font valoir, de ce chef, les historiens ou théoriciens de la mimique ou de l’art chorégraphique, on doit les trouver extrêmement faibles.

Sans rappeler David dansant devant l’arche, on nous cite Socrate qui, tout vieux qu’il était, se livrait à cet exercice. Un grave historien même, M. Zeller (Gesch. der Phil. der Griechen), y voit un trait d’originalité de son caractère qu’il trouve en cela prosaïque (ibid.),