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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

paux. Lui aussi pense que le ballet pantomimique peut être considéré comme œuvre d’art indépendante et libre et que la danse doit être mise au rang des arts véritables. Ses raisons, du reste, ne sont guère que celles déjà données par Noverre, qu’il cite à l’appui de son opinion. Il convient que, telle qu’elle est, la danse ne peut prétendre à cet honneur ; mais il croit qu’il n’est pas impossible d’ennoblir cette partie de l’art théâtrale, « et de donner un rang distingué au ballet, parmi les œuvres du goût ». (T. I, p. 23.)

Nous devons renoncer à faire connaître l’opinion des autres théoriciens de l’art, soit philosophes, soit esthéticiens des diverses écoles. Il ne serait pas sans intérêt de savoir ce qu’en pensent Kant et les kantistes, aussi les auteurs qui depuis Kant tels que Krug, Krause, Ast. F. Thiersch, placent aussi la Mimique parmi les arts principaux, sans toutefois leur assigner le même rang. La plupart évitent de se prononcer sur ce point délicat, la valeur et la portée de cet art. Ils ia considèrent simplement comme un anneau intermédiaire dans la série des arts, mais sans la séparer nettement des arts auxquels elle est associée comme accessoire ou intermédiaire.

Ce que nous devons faire, c’est de soumettre à la critique les raisons qui viennent d’être alléguées par les partisans de cet art comme art principal, d’en peser la valeur et de voir si elles sont suffisantes pour justifier l’opinion émise, au début, sur la mimique et la place qu’elle doit occuper dans le système des beaux-arts.

IV

Dans l’examen de la thèse que soutiennent les partisans de la mimique, nous devons d’abord écarter la raison tirée de sa nécessité de rétablir, à l’aide de cet art, la symétrie entre les deux groupes principaux qui, par leur ensemble, forment le système des beaux-arts.

L’argument[1] ne nous paraît pas sérieux. C’est d’ailleurs préjuger la question. Cette lacune, que l’on signale, existe-t-elle ? La nature est-elle obligée d’obéir à cette loi de symétrie parfaite qui est désirable dans nos systèmes ? C’est pousser, selon nous, un peu loin l’amour du parallélisme que de vouloir à toute force l’établir là où en réalité il n’existe pas. Bien que, entre la danse ou la mimique et la sculpture il y ait une analogie dès longtemps signalée, qui a fait appeler la danse une « sculpture en mouvement, ou Lien encore une peinture animée », on ne peut s’autoriser de ces métaphores pour

  1. Voir Max. Schasler, Syst. der Künste. — Zeitschrift fur Phil, und Phil. Kritisch. 1886.