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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

Parmi les auteurs anciens et modernes qui, sous ce rapport, lui sont favorables, on peut citer de grands philosophes et de graves moralistes, des écrivains célèbres, soit comme critiques, soit comme historiens de cet art, enfin des esthéticiens distingués parmi les modernes.

En tête des philosophes anciens qui lui attribuent cette importance, on sera peut-être étonné de voir figurer le divin Platon (Lois, II, VII) et avant lui son maître Socrate (Xénophon, Mém., Banquet), mais on sait quel rôle a joué dans toute l’antiquité la danse, dans tous ses genres et sous toutes ses formes, religieuse, symbolique, guerrière, orgiastique, dramatique, etc., la place qu’elle avait dans les cérémonies du culte, les fêtes publiques et privées.

Elle faisait partie, dans l’éducation athénienne, de la gymnastique et s’alliait aux exercices du corps auxquels les Grecs accordaient une si grande importance. Elle avait pour but de donner de la grâce, de la souplesse et de l’agilité aux membres et d’ajouter ainsi à la beauté du corps. On conçoit ainsi qu’elle ait été en grande estime même auprès des plus graves philosophes.

On rapporte que Socrate, qui avait été lui-même artiste, le sculpteur des Grâces voilées, et qui sous Damon avait appris la musique, se livrait encore à cet exercice dans les dernières années de sa vie. (Voir Lucien, Eloge de la danse ; Plutarque, Sympos.)

La place que lui accorde Platon au deuxième et au septième livre des Lois, où il expose son plan d’éducation, est considérable. Ce qu’il dit de sa nature et de son origine mérite d’être cité ici.

« Je dis qu’il n’est aucun animal qui, lorsqu’il est jeune, puisse tenir son esprit et sa langue dans un état tranquille et ne fasse sans cesse des efforts pour se mouvoir et crier. Aussi voit-on les uns sauter et bondir comme si je ne sais quelle impression de plaisir les portait à danser et à folätrer, tandis que les autres font retentir l’air de mille cris différents. Tout le reste des animaux n’a aucune idée de l’ordre et de l’harmonie ou du désordre dont le mouvement est susceptible et que nous appelons mesure et harmonie. Pour nous ces mêmes divinités qui président à nos fêtes nous ont donné avec le plaisir ce sentiment de la mesure et de l’harmonie. Ce sentiment règle nos mouvements, sous la direction de ces dieux, et nous apprend à former ensemble une espèce de chaîne par l’union de nos chants et de nos danses. De là le nom de chœur, dérivé naturellement du mot qui signifie joie, χάρα. La chorée embrasse le chant et la danse. Une bonne éducation consiste donc à savoir bien chanter et bien danser. » (Lois, II.)

Platon n’isole pas, on le voit, les deux arts, la musique ou le chant