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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

Ce sujet sera traité plus tard lorsque sera examiné le rapport de la mimique avec les autres arts ; il suffit ici de l’indiquer.

Les deux arts principaux avec lesquels la mimique contracte l’alliance la plus étroite sont la musique et la poésie. On l’a vu pour la musique en ce qui concerne la danse ou l’art chorégraphique. Il en est de même du chant, quoique à un moindre degré, mais c’est surtout la poésie dramatique qui a besoin d’elle ; elle ne peut s’en passer pour l’exécution de ses œuvres. La mimique devient ici en partie l’action théâtrale ; combinée avec la parole, elle est ce qu’on nomme le jeu des acteurs, qui devient lui-même une création, non une simple imitation. On sait combien est puissant ce moyen qui accompagne la déclamation dans l’exécution des œuvres de l’art dramatique.

L’art oratoire ne réclame pas moins son concours. On n’ignore pas ce dont est redevable à cette éloquence du corps l’art de la persuasion qui pourtant ne devrait s’adresser qu’à l’esprit, pour faire pénétrer en lui la vérité, le convaincre par des arguments que doit apprécier la seule raison, mais qui ne cherche pas moins à émouvoir la sensibilité et à frapper l’imagination par les moyens les plus sensibles. Les orateurs anciens, Démosthène, Cicéron, ont fait de l’action le premier des moyens oratoires.

Il est d’autres arts où la mimique, moins nécessaire, a aussi, cependant, une part à réclamer et où elle entre comme élément accessoire, sinon essentiel. Les uns sont des arts utiles ou secondaires, mais où la beauté, l’élégance, la souplesse et la vigueur des membres, la liberté des mouvements du corps sont hautement à priser.

Telles sont la gymnastique, l’équitation, l’escrime, etc. Nous ne parlions pas des jeux d’équilibre ou des tours de force, qui sont placés au plus bas de l’échelle.

Mais on ne doit pas oublier ce qu’un art tout autrement important doit à la mimique : je veux parler du grand art de la vie, du moins en ce qu’on nomme la sociabilité. Pour quelle part, en effet, n’entre-t-elle pas, la mimique, dans cet art de vivre ou dans la sociabilité, en ce qui est simplement de l’extérieur, dans la politesse et les bonnes manières ? Là il s’agit de donner au corps lui-même l’expression qui convient (πρὲπον), dans la forme, les attitudes, le maintien et les mouvements qui correspondent trait pour trait aux situations, aux mouvements de l’âme à l’intérieur, de mettre, comme dit Platon, l’âme et le corps d’accord comme deux instruments.

À quel signe, en effet, reconnait-on un homme bien élevé, distingué, de bonne société, sinon d’abord à son extérieur et à ses manières ? N’est-ce pas à son maintien, à sa tenue, à sa démarche, à ses gestes et à tous ses mouvements ? Quels sont les signes visibles