Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée
230
revue philosophique

avoir le rôle qu’on lui assigne et quelle est la raison de son infériorité. Il sera bon aussi d’indiquer les services qu’il rend et peut rendre aux autres arts par ses rapports et son alliance avec eux et de jeter un coup d’œil sur l’avenir qui lui est réservé.

Si d’ailleurs, comme nous le croyons, il est une raison d’ordre philosophique de cette infériorité, qui tient à son essence même et qui n’ait pas été suffisamment remarquée et appréciée, nous nous efforcerons de la mettre en lumière et de lui donner toute son évidence.

Mais, pour arriver à la solution de ce problème, il est nécessaire de rappeler : 1o ce qu’est en réalité la mimique ; 2o quelle est l’étendue de son domaine ; 3o quelles sont ses formes principales et les arts qui en font partie, ceux qui s’en servent comme d’auxiliaire indispensable. Nous essayerons de le faire aussi brièvement que possible.

I

La mimique, en grec μίμησις, imitation, est la faculté, d’abord naturelle, puis artificielle, qu’a l’homme d’imiter ou plutôt d’exprimer, par le jeu de la physionomie, les formes et les attitudes du corps, par les gestes en particulier, les divers états, sentiments, passions qui se produisent dans son âme, ou, comme on dit, dans le for intérieur de sa conscience. Si l’on ajoute à ces signes les diverses intonations de la voix qui se mêlent à la parole et aux gestes ou les accompagnent, on aura le vocabulaire, à peu près complet, de cette langue qui est commune aux hommes et aux animaux, mais qui, chez l’homme, en vertu de sa nature supérieure, a un degré de perfection que n’atteignent pas les autres êtres.

Nous n’avons pas à décrire et analyser en détail ce langage ni à résoudre tous les problèmes qui s’y rattachent, dont on a cherché à faire l’objet d’une véritable science : la physiognomonie, la mimique et la pathognomonie, et sur laquelle ont été publiés récemment des ouvrages très intéressants[1]. Mais nous devons insister sur l’étendue de sa puissance expressive, sauf à en marquer plus tard les limites.

On sait, en effet, combien, tout muet qu’il est, ce langage est expressif, varié, pathétique, combien surtout est grande sa vertu émotionnelle.

Tous les mouvements de la vie intérieure s’y traduisent et s’y

  1. Nous citerons en particulier : P. Mantegazza, la Physionomie et l’Expression des sentiments, tr. de l’italien. F. Alcan. — Piderit, la Mimique et la Physiognomonte, tr. de l’allem. par A. Girot. F. Alcan. — Darwin, the Expression of Emotions.