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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

art, sert à symboliser l’idée. Pour parler plus clairement, c’est la tendance qu’a le mode d’expression ou de représentation (étendue, forme, couleur, sons harmonieux ou parole) à se spiritualiser de plus en plus, à mesure qu’on s’élève de degré en degré dans l’échelle des arts.

En vertu de ce principe, chaque art occupe dans cette échelle une place et un rang d’autant plus élevés que sa valeur expressive ou idéalisatrice est plus grande. Et cela résulte de la nature même des matériaux qu’il emploie et de son mode de représentation. Par là aussi sont marquées son étendue, sa portée, ses limites, ses conditions générales et particulières.

Le système aujourd’hui le plus généralement adopté, et qui, selon nous, remplit le mieux ces conditions, est celui qui partage les beaux-arts en deux groupes ou séries, dès longtemps, il est vrai, reconnus, mais non régulièrement coordonnés et gradués. Le premier, celui des arts du dessin, a pour champ de représentation l’espace. L’immobilité caractérise ses œuvres. Celles-ci s’adressent à la vue : signes, formes, figures, couleurs, le regard les saisit simultanément. Le second groupe a un tout autre mode de représentation ; son signe unique, le moyen dont il se sert est le son, phénomène mobile, instantané, invisible, que perçoit un autre sens, l’oreille, et qui par l’oreille pénètre dans l’âme et s’adresse à l’esprit, le son soit simplement soumis aux lois du rythme et de l’harmonie, soit articulé dans la parole. Ainsi, immobilité d’une part, mobilité et succession de l’autre, étendue visible d’un côté ; temps invisible et durée successive de l’autre, tels sont les caractères bien tranchés qui distinguent et séparent les deux classes et servent de base à la division des beaux-arts.

La première série comprend l’Architecture, la Sculpture et la Peinture ; la seconde, la Musique et la Poésie avec leurs genres ou espèces. Longtemps la poésie forma un domaine à part ; aujourd’hui elle entre dans le cercle des beaux-arts. Elle est l’art par excellence. En elle se reflètent les autres arts. À la fois au sommet, à la base et au milieu, elle est l’art général dont les rayons, comme disséminés en toutes les autres formes, illuminent l’ensemble. Elle n’en constitue pas moins un art séparé qui a ses lois et ses conditions propres. Mais elle anime les autres et les pénètre de son essence. À tous les degrés elle apparaît comme leur but suprême, le lien qui les unit, l’âme qui les vivifie. Elle-même se divise en plusieurs genres ou espèces dont les principales sont la poésie lyrique, épique et dramatique avec leurs accessoires et leurs variétés. Placé au plus haut degré, le drame réunit les autres arts qui, tous, par l’exécution théâtrale, concourent