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analyses. — g. von gizycki. Moralphilosophie, etc.

puisque, si les moyens sont déclarés mauvais, c’est précisément parce qu’une partie de leurs conséquences est contraire à l’intérêt général. — Compromet-il le droit individuel ? En aucune façon, puisque l’intérêt général exige le respect des personnes. Sur ce point, il nous eût paru bon que l’auteur insistât davantage ; sa réponse nous semble insuffisante et le paraîtra plus encore à ceux qui ne veulent pas entendre parler d’un fondement empirique du droit. Plus satisfaisante est la réplique à une objection déjà réfutée maintes fois dans l’école empirique, mais toujours reprise avec la même confiance dans les écoles adverses : Le bonheur ne saurait servir de principe moral, car il n’a pas de valeur morale. Qu’est-ce donc encore une fois qu’une valeur qui ne correspondrait à aucune satisfaction ?

En revanche, nous trouvons encore bien prompte la discussion de la thèse évolutionniste, qui, faisant du maintien et de l’élévation du niveau de la vie le principe de la moralité, semble conduire, avec la doctrine de la sélection, au sacrifice impitoyable de l’individu. C’est là assurément une des plus graves difficultés que puisse rencontrer la morale empirique, un des points où elle semble heurter de front les sentiments les plus profonds de la conscience morale. Nous regrettons que sur ce problème M. de G. ne se soit pas plus nettement et plus longuement expliqué. Sa principale réponse est que la vie n’est pas bonne par elle-même, mais par le bonheur qu’elle comporte.

Si ce n’est pas la vie, mais le bonheur de la vie qui est un bien, on est amené à discuter la possibilité de ce bonheur et sa négation par le pessimisme. C’est ce que fait M. de G. après avoir, un peu longuement peut-être, mis les deux thèses en présence. Nous ne saurions entrer dans le détail de cette discussion, bien conduite d’ailleurs, mais qui n’offre rien de bien nouveau. Signalons seulement les arguments d’ordre pratique qui paraissent le plus particulièrement liés au point de vue essentiellement concret où se place l’auteur : si l’optimisme béat d’un Candide à cette conséquence fâcheuse de nous faire oublier et méconnaître les maux que nous devrions soulager, le pessimisme n’est pas moins dangereux. Sans parler du découragement qu’il entraîne, il devrait aboutir logiquement au mépris le plus absolu de la vie et des intérêts d’autrui. Il est facile de voir que M. de G. ne prend d’ailleurs pas fort au sérieux, théoriquement parlant, la philosophie pessimiste. Pour lui Schopenhauer et ses adeptes ne sont que des « dyskoles », des malades atteints d’humeur noire qu’il faut guérir, plus que des philosophes qu’il faille réfuter.

2. Il ne suffit pas de déterminer l’objet de l’activité morale ; il faut en découvrir les ressorts.

Tout d’abord il est certain que l’homme n’agit jamais sans y être déterminé par un certain plaisir. Aucun amour, aucun dévouement n’échappe à cette loi. Mais est-ce à dire que l’égoïsme soit inévitable ? On l’a cru et ce contresens vient (l’auteur l’a déjà montré dans un ouvrage antérieur) de ce que l’on confond le côté représentatif et le