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analyses. — g. von gizycki. Moralphilosophie, etc.

plus étendues, ainsi que ses notes en témoignent[1]. Si nous avions une réserve à faire, elle porterait sur la composition un peu flottante de certains chapitres, et sur l’étendue et le nombre, parfois excessifs, des citations. Mais dans son ensemble le livre, jugé au point de vue que nous avons indiqué et qui est celui de l’auteur, est un livre d’une lecture facile et attrayante, instructif et clair, propre enfin à donner de la moralité un sentiment vif, une idée généralement juste et concrète.

Nous croyons pouvoir diviser l’ouvrage en quatre parties. — I. Les bases de la morale. — II. La liberté et la responsabilité ; leur conciliation avec le déterminisme. — III. La morale et la théologie. — IV. La morale et la nature.

I. — La première partie que nous constituons avec les cinq premiers chapitres, est à proprement parler l’exposition des principes moraux adoptés par M. de G. Ces principes sont de deux ordres, suivant que nous considérons les actes eux-mêmes, leur nature, les règles et les raisons du jugement que nous portons sur leur valeur, ou que nous considérons au contraire l’agent moral, ses motifs d’action, son caractère moral intérieur. La moralité peut être envisagée soit objectivement soit subjectivement, et l’auteur établit nettement quelque part la différence des formes et des règles de nos jugements moraux suivant qu’ils portent sur la valeur des actes ou sur le caractère des personnes.

1. Il nous faut d’abord en morale un principe directeur, une règle, un critérium (Richtschnur).

La conscience n’y suffit pas, car bien qu’assez unanimes dans les cas les plus ordinaires, les diverses consciences se contredisent encore fréquemment. Comment découvrir la règle cherchée ? En nous demandant qu’elle est celle qui expliquerait tous les jugements de la conscience jusque dans leurs exceptions et leurs anomalies. Nous voyons ainsi que le critérium implicite, plus ou moins inconsciemment appliqué pour décider du bien et du mal, est celui de l’intérêt général. Dans les discussions, dans les cas obscurs, on l’invoque explicitement. D’ailleurs les concepts mêmes de bien et du mal ne se comprennent que comme formule d’un rapport, et, en dernière analyse, d’un rapport à la satisfaction d’une sensibilité. Prendre le bien pour règle, c’est donc se proposer la plus grande satisfaction, le plus grand bonheur de tous. Les vertus et les vices sont les modes d’action considérés comme favorables ou nuisibles à l’intérêt général. Les exceptions aux règles morales courantes, les conflits de devoirs, la subordination des devoirs, autant de problèmes résolus par le même principe. Tout progrès moral enfin consiste dans l’extension de ce principe dont l’application, primitivement restreinte à une société particulière, limitée, est graduellement

  1. On permettra toutefois à un lecteur français de regretter, parmi les nombreux noms cités, l’absence de ceux de MM. Fouillée et Guyau, qu’il s’attendait à rencontrer l’un dans les études sur la liberté, l’autre dans les chapitres sur les questions religieuses, d’autant que les idées de M. de G. sur ces problèmes concordent en plus d’un point avec celles des deux écrivains français.