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analyses. — g. le bon. les premières civilisations.

G. Le Bon. — Les premières civilisations. Paris, 1889, Marpon et Flammarion, 820 p., in-4o.

L’ouvrage du docteur Le Bon se compose de deux parties distinctes : un traité de philosophie intitulé Évolution des civilisations (p. 1 à 190), et une histoire des civilisations des peuples antiques de l’Orient (Égyptiens, Chaldéens, Juifs, Perses et Phéniciens)[1]. La première est la seule que nous ayons à examiner ici.

La thèse de M. Le Bon est très clairement exposée. Le xixe siècle a découvert à la fois les documents qui ont fait connaître les anciennes civilisations et la théorie qui permet d’en comprendre le développement. Ainsi ont été bouleversées toutes nos idées sur les origines de notre civilisation.

On ne peut plus croire qu’elle soit l’œuvre du seul peuple grec, qu’elle provienne de qualités exceptionnelles données à une race privilégiée par quelque Providence bienfaisante. « Une notion philosophique toute moderne, celle de l’évolution, qui a complètement transformé les sciences naturelles depuis vingt-cinq ans, est en train de renouveler entièrement nos conceptions historiques. »

C’est de l’hypothèse de l’évolution que M. Le Bon cherche à déduire les lois générales de l’évolution des civilisations (livre I) et les conditions qui agissent sur le développement des peuples (livre II).

« Une société peut être considérée comme un organisme en voie de développement. Il y a une embryologie sociale comme une embryologie animale et végétale et les lois d’évolution qui les régissent sont identiques… Nous savons comment la nageoire des poissons est devenue la membrane qui soutenait dans l’air le ptérodactyle, puis l’aile de l’oiseau, puis la patte du mammifère et enfin la main de l’homme ; l’embryologie sociale nous montrera la série des progressions par lesquelles le mécanisme merveilleux des sociétés policées est sorti de l’état sauvage. »

Par la comparaison des documents antiques avec les observations recueillies sur les sauvages contemporains et sur les enfants, M. Le Bon cherche à reconstituer la série des transformations des sociétés. Il passe en revue la naissance et le développement de la famille, du langage, des croyances religieuses ; du droit et de la morale, de la propriété, de l’industrie et des gouvernements.

Le tableau ressemble à celui des Principes de Sociologie de Spencer. Un rôle considérable y est attribué au matriarcat et à la polyandrie. Mais M. Le Bon a eu la prudence de ne pas introduire dans l’histoire de la propriété la phase de la propriété collective de la tribu, inventée par Maurer et Summer Maine, propagée par M. de Laveleye, et adoptée par l’école évolutionniste orthodoxe ; il s’en tient à la propriété collective de la famille, trop bien prouvée par les documents pour être contestée

  1. M. Le Bon a écarté l’Inde à laquelle il avait consacré un ouvrage spécial et qui n’a pas exercé d’influence directe sur la civilisation occidentale.