Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
revue philosophique

tantôt il plaçait dans la main anesthésique du sujet une poignée de cuivre, et il promenait sur l’avant-bras anesthésique un petit balai métallique ; tantôt, enfin, il faisait passer le courant par deux épingles enfoncées à peu de distance dans le tégument insensible.

Il est assez curieux que, malgré le peu d’intensité du courant employé, le sujet ressente immédiatement une sensation douloureuse très vive. La production de cette sensation douloureuse qui a été signalée par tous les auteurs semble nous montrer qu’il ne s’agit point dans l’espèce d’une sensibilité tactile impressionnée par l’excitant électrique. On ne doit point donner à cette sensibilité particulière, comme le propose M. Pitres, le nom d’électro-esthésie, mais plutôt celui d’électro-algésie.

Cette simple modification dans le nom du phénomène nous permet de l’éclairer en le comparant aux sensations douloureuses intenses qui se produisent chez certaines hystériques à la suite de l’application sur la peau de certaines substances, comme le fer, l’or, l’argent, qui ne provoquent à l’état normal qu’une sensation banale de contact. M. Pitres décrit ce trouble de la sensibilité sous le nom d’alphalgésie ; les auteurs en ont rapporté de nombreuses observations. Je ne soutiendrai pas que les observations ont toutes été bien prises, mais il en est plusieurs auxquelles on peut se fier, et j’ai rencontré moi-même quelques sujets qui étaient alphalgésiques. Cl..., par exemple, hystéro-épileptique du service de M. Charcot, est Pen dans ce cas.

Il résulte de ce qui précède qu’on peut éveiller des sensations de douleur intense chez certains hystériques en les soumettant à des excitations qui ne produisent aucun effet douloureux sur la sensibilité d’un sujet normal. Il y a, selon nous, deux faits saillants dans les expériences précédentes : d’abord, la disproportion entre l’intensité de l’excitation et l’intensité de l’effet ; et ensuite la nécessité d’employer des excitations d’une forme particulière pour produire la sensation de douleur. S’il y avait seulement exagération de la sensibilité à la douleur, on pourrait donner à ce phénomène le nom d’hyperalgésie ; mais l’effet tout particulier produit par certaines excitations telles que l’électricité et les métaux semble montrer qu’il y a, chez ces malades, une déviation, une altération de la sensibilité à la douleur ; aussi proposons-nous de désigner ce trouble sensitif le nom de dysalgésie.

Les expériences précédentes peuvent servir d’introduction à celles que je vais maintenant décrire. J’ai observé, tout à fait par hasard, la possibilité de provoquer cette dysalgésie dans une région anesthésique, ou même dans une région sensible, en employant des procédés très simples, et qui diffèrent absolument des précédents.

Si on exerce une pression modérée sur une région anesthésique (hors de la vue du sujet) et qu’en même temps on excite légèrement une région sensible, on produit une très vive douleur, que le sujet localise précisément sur le point touché dans la région sensible. J’ai fait cette observation chez trois sujets, Lavr…, Schey..., et Dem…

Dem…, par exemple, est hémianesthésique droite. Exerçons une pres-