Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
ANALYSES.drummond. Les lois de la nature.

qui pourraient le justifier ? En face du danger des choses chères a-t-on le droit de se capitonner dans sa pudeur ? — M. Serre ne l’a pas fait et c’est pour cela qu’il mérite d’être loué.

G. Fonsegrive.

Henry M. Drummond. Les lois de la nature dans le monde spirituel, traduit de l’anglais par C.-A. Sanceau, deuxième édition, 1 vol.  in-8o, 405 p.. Fischbacher, 1889.

Voici la traduction d’un ouvrage anglais très intéressant au point de vue théologique et chrétien, mais dont nous sommes très embarrasse de parler dans une Revue exclusivement philosophique. Nous allons cependant essayer de donner une idée de son contenu, car s’il ne peut prétendre entraîner la conviction des rationalistes purs, il mérite la sérieuse attention de tous ceux qui ne croient pas à une séparation, à une opposition nécessaires entre le christianisme et la science. C’est à ce dernier titre que ce livre a eu en deux ans plus de quarante réimpressions en Angleterre et que l’excellente traduction de M. Sanceau est arrivée très vite chez nous à sa deuxième édition. Bien que l’auteur soit anglican et que dans son appréciation des autres Églises il ne se souvienne pas assez de la paille et de la poutre, les théologiens de toutes les Églises chrétiennes trouveront dans son ouvrage des vues neuves et qui peuvent être fécondes.

Tous les chrétiens qui connaissent leur religion — chose rare — savent que le christianisme distingue dans l’homme deux vies, la vie de la chair et la vie de l’esprit, la vie de la nature et celle de la grâce. La vie spirituelle est une vie surnaturelle par laquelle l’homme vit uni à Dieu et par Dieu avec les autres hommes et même avec l’univers entier. L’acte par lequel la vie spirituelle se manifeste est la charité. Cette vie spirituelle ne peut s’édifier que sur les ruines de la vie naturelle égoïste. Il faut donc mourir au monde pour naître à Dieu. Mais cela ne peut se faire qu’à l’aide d’un secours extérieur que la théologie nomme grâce. La grâce est un secours surnaturel et miraculeux que Dieu accorde à l’homme sur la médiation du Christ.

Ces principes théologiques étaient nécessaires pour faire comprendre la thèse de M. Drummond. Etant donnée la vie spirituelle telle que nous venons de la définir, quelle est la théorie qu’a donnée de cette vie la théologie traditionnelle ? C’est que l’homme est impuissant à se vivifier lui-même, qu’il faut que la vie lui vienne du « Fils », c’est-à-dire d’un vivant antérieur. L’homme, de plus, a besoin d’une lutte de tous les instants, d’une vigilance attentive pour se garder des choses extérieures qui pourraient causer sa mort spirituelle. La tiédeur est considérée par tous les théologiens comme une cause assurée de perdition. Quand la perdition arrive, c’est la mort spirituelle ; or, quand est-ce que cette mort se produit, d’après les théologiens ? C’est lorsque l’âme ne puise plus sa vie dans l’atmosphère divine qui l’entretenait, quand