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ANALYSES.bourdeau. L’Histoire et les Historiens.

sera donc la vibration et la consonance qui, l’une, naît, l’autre, répète et perpétue. »

Je note, sans la discuter (on ne peut le faire en quelques lignes), cette idée maîtresse de l’ouvrage. La méthode d’enquête proposée par M. H. n’est pas du reste, et cela seulement m’importe à dire, effectivement liée à la doctrine qui la soutenait dans son esprit. Cette méthode peut être bonne, si la doctrine est mauvaise, et défectueuse au moins, si la doctrine est assurée. Le principe de ressemblance entre les exemplaires et les adhérents affecte ici, dans la pratique, un sens que le « principe de répétition » ne me paraît pas avoir dans la théorie.

Indiquer un ordre de travail, et avoir donné l’exemple d’une méthode, c’est la marque d’un vigoureux et solide esprit : on en jugera déjà par l’application faite à Victor Hugo dans l’appendice du livre même. Un plan d’étude ne saurait, d’ailleurs, constituer une science nouvelle, au vrai sens du mot, et M. H. ne m’eût pas blâmé, je pense, de définir plus exactement la critique scientifique : un système de recherches, pour servir à la psychologie descriptive des individus et des groupes sociaux.

Les amis de cet écrivain justement regretté me pardonneront d’avoir soumis son ouvrage à un sévère examen. Une approbation irréfléchie ne convient pas pour un travail de ce genre, et les objections les mieux fondées ne lui ôteront pas sa réelle valeur. N’est-ce pas honorer un pareil mort, que d’étudier son œuvre sérieusement afin de pouvoir en profiter ? M. H. souhaitait de ne pas marcher seul dans la voie nouvelle où il s’était engagé. Ses continuateurs seront d’autant plus libres et résolus, que les essais qui restent de lui, et dont nous attendons la publication prochaine, auront fait voir les défauts de sa méthode et en auront à la fois démontré les avantages.

Lucien Arréat.

Louis Bourdeau. — L’Histoire et les historiens. Essai critique sur l’histoire considérée comme science positive. Alcan, 1 vol.  in-8o, 472 p.., 1888.

Voici la thèse que M. Bourdeau expose dans une langue ferme, limpide, ornée d’un grand nombre de citations et pure de tout jargon scientifique. « L’histoire est toute à refaire ou plutôt elle n’est pas encore faite. » Les historiens ne savent ni l’objet qu’ils doivent étudier ni le cadre dans lequel ils doivent enfermer leurs recherches, ni la méthode à suivre pour déterminer des résultats avec certitude. Ils étudient de préférence les personnages célèbres (hommes d’État, inventeurs, artistes, savants, héros), oubliant que pour bien savoir le genre humain il faut l’étudier dans sa condition moyenne ».

Ils s’attachent aux événements frappants, aux faits singuliers »