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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Émile Hennequin. — La Critique scientifique. Paris, Perrin, 1888, 246 p. in-12.

En achevant la lecture de ce livre, on se prend à regretter la mort prématurée de l’homme qui l’a écrit. Le livre est intéressant, il est bien ordonné, il est nouveau. M. Hennequin a voulu fonder la critique scientifique et donner le plan d’une étude complète d’esthopsychologie : il proposait ce nom pour désigner un ensemble de recherches qui formeraient une science véritable, ayant « un objet, une méthode des résultats, des problèmes » (p. 218).

« L’esthopsychologie, nous dit-il (p. 21), n’a pas pour but de fixer le mérite des œuvres d’art et des moyens généraux par lesquels elles sont produites ; c’est la tâche de l’esthétique pure et de la critique littéraire. Elle n’a pas pour objet d’envisager l’œuvre d’art dans son essence, son but, son évolution, en elle-même ; mais uniquement au point de vue des relations qui unissent ses particularités à certaines particularités psychologiques et sociales, comme révélatrices de certaines âmes ; l’esthopsychologie est la science de l’œuvre d’art en tant que signe. »

Ce dernier mot annonce déjà quelle sera la méthode. Exposons-la tout de suite : notre critique en sera plus claire.

L’œuvre, selon M. H., est le signe le plus important de l’individualité du poète ou de l’artiste ; elle nous livre directement les premiers caractères à connaître, les caractères mentaux, qu’on serait impuissant à déterminer d’après les données de l’hérédité, de l’ethnologie, etc. Elle nous fournit du même coup les caractères de ses admirateurs, et nous pouvons avancer dans la psychologie des peuples en étudiant les groupes d’hommes qui se rattachent, par des affinités secrètes, à certains individus prééminents. Les qualités d’un poète sont aussi, à un degré moindre, celles de ses lecteurs. « Une œuvre d’art, nous dira M. H. (p. 139), n’émeut que ceux dont elle est le signe. »

Telle est la pensée méthodique de l’ouvrage. Nous allons voir sur quels raisonnements elle se fonde, et de quelle théorie à demi formulée, en dernière analyse, elle se réclame : le lecteur n’est pas sans la deviner peut-être.