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REVUE GÉNÉRALE.philosophie mathématique, etc.

M. Sorel me considère comme l’un des adversaires les plus convaincus de la psychophysique ». J’ai pu m’apercevoir qu’il n’était pas le seul à penser de la sorte ; je dois donc reconnaître que ce que j’ai écrit sur ce sujet pouvait faire naître cette opinion. Elle n’en est pas moins erronée ou, plutôt, il y a là un malentendu.

Je suis convaincu qu’à l’heure actuelle, la psychophysique n’est pas une science, mais je ne la regarde pas moins comme un ensemble de questions susceptibles d’être traitées scientifiquement et dès lors de donner, dans l’avenir, naissance à une science véritable. Je ne suis donc pas, en principe, un adversaire de la psychophysique ; je n’attaque ou ne critique que les solutions données jusqu’à présent aux problèmes qui ont été posés ; c’est que je considère ces solutions soit comme fausses, soit comme très insuffisantes, ce en quoi, du reste, je ne vois guère de différence entre M. Sorel et moi.

Si la psychophysique était une science, il y aurait des principes sur lesquels on serait d’accord. Mais, à cet égard même, les partisans les plus décidés de la psychophysique comme science sont loin de s’entendre. Il manque donc une base indispensable pour les recherches expérimentales, puisqu’on peut les interpréter dans divers sens. J’ai essayé, en ce qui me concerne et dans la faible mesure de mes moyens, de critiquer les principes mis en avant de côté ou d’autre ; c’est qu’il faut, avant tout, reconnaître le terrain solide, sur lequel pourra s’élever l’édifice définitif.

Il est possible que mes critiques aient été, sur certains points, trop exigeantes, qu’elles aient même trop découragé quelques croyants ; mais je n’ai jamais soutenu que le terrain solide n’existait pas, seulement j’avoue que, pour moi, je ne l’ai pas rencontré, ce que je n’ai d’ailleurs nullement la prétention de faire le premier. Si j’ai signalé des illusions, j’ai en même temps cherché à indiquer la direction pour de nouvelles tentatives ; si l’on a tenu plus compte de la première partie de ma tâche de critique que de la seconde, c’est sans doute que j’y avais mieux réussi, parce qu’elle était plus facile. Mais j’attache au moins autant d’importance à ce que j’ai tenté pour guider les recherches psychophysiques dans une nouvelle voie, et cela n’est pas d’un adversaire. Je vais essayer de le montrer plus nettement.

Comparé aux ouvrages dont j’ai eu à parler l’année dernière, le nouveau volume publié sur la loi de Weber par M. Grotenfelt a au moins le mérite de ramener la discussion sur son véritable objet, à savoir le caractère à attribuer au problème posé. L’auteur se prononce pour le caractère purement psychologique et en même temps il défend sérieusement la loi de Weber contre les critiques dont elle a été l’objet. Il a parfaitement reconnu le point essentiel sur lequel portent ces critiques, l’application d’une formule mathématique, donc continue, à des phénomènes présentés comme discontinus dans les expériences qui servent de point de départ à la théorie. Il déclare qu’il y a là une méprise complète, que ces phénomènes sont essentiellement continus, que l’exis-