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trouve entière. La ligne droite apparaît comme étant à la fois celle qui joint les points sur une même direction et celle suivant laquelle la somme des sensations élémentaires de mouvement est minima.

Telles sont, aussi fidèlement qu’il m’est possible de les indiquer sommairement, les lignes générales du travail de M. de La Rive. J’ai dit que sa solution n’était pas complète ; je ne pense pas, sous ce rapport, à l’hypothèse primitive sur la constitution de nos nerfs ; car il semble difficile d’aller plus loin de ce côté, d’ici longtemps, et ce n’est pas en tout cas un mince progrès que d’avoir énoncé une hypothèse simple, précise et en même temps générale, qui suffit à l’analyse scientifique de deux notions aussi distinctes que celles de l’espace et de la couleur. Mais il est évident que, si la solution de M. de La Rive est relativement très satisfaisante dans l’hypothèse réaliste, c’est-à-dire s’il nous explique bien comment, l’espace existant, nous arrivons à le percevoir, elle devrait être reprise sous une autre forme dans l’hypothèse idéaliste. Au reste, sous ce rapport, tous les essais relatifs à la genèse de la notion d’espace laissent jusqu’à présent plus ou moins à désirer. Le problème est incontestablement difficile ; il devrait d’autant plus tenter quelque penseur ; car il est évident que si l’on parvient, dans l’hypothèse réaliste, à des explications approfondies et instructives, on ne peut se contenter de dire, dans le camp opposé, que l’espace est la forme a priori du sens extérieur. Il faut entrer dans le détail.

J’ai une autre observation à faire au sujet du mémoire de M. de La Rive. Si pour un exposé rationnel de ses principes, axiomes et postulats, la géométrie devait, ce qui d’ailleurs n’est pas prouvé, suivre l’ordre de la genèse psychologique de ses notions fondamentales, il s’ensuivrait que l’on devrait commencer par la théorie de la sphère et ne passer qu’ensuite à l’étude de la droite et du plan. Or cette marche vient d’être systématiquement suivie par M. Calinon[1], dans une étude où il est arrivé, par là même, à des remarques neuves et qui ont une relation étroite avec certaines conclusions de M. de La Rive. Mais je dois pour le moment ajourner ce sujet, qui m’entraînerait trop loin ; car j’ai encore aujourd’hui à parler assez longuement de psychophysique.

III. — Avant de revenir, une fois de plus, sur la question toujours ouverte de la loi de Weber, on m’accordera peut-être de vider une petite affaire personnelle.

Ma précédente Revue générale a provoqué de la part de M. G. Sorel une lettre qui a été insérée dans le numéro d’avril 1888. Les observations bienveillantes, et d’ailleurs fort justes, que contenait cette lettre, n’étaient pas de nature à faire attendre une réponse de ma part. Toutefois il est un point sur lequel mon silence pourrait être à tort regardé comme un acquiescement.

  1. Etude sur la sphère, la ligne droite et le plan, Nancy, Berger-Levrault, 1888. 49 pages in-8o.