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native et que leur plasticité fût absolue, ce qui est encore une forme du nativisme, puisque cette plasticité absolue est elle-même une prédisposition, un trait de nature, mais la forme du nativisme la plus inacceptable de toutes, puisque cette plasticité absolue, c’est l’indétermination absolue, laquelle rend l’être identique au néant[1].

Quoi qu’il en soit de la valeur de l’empirisme tel que l’ont compris Helmholtz et Bain, il est certain que le cas de Marie V., comme celui de tous les aveugles opérés depuis Cheselden, le dément, puisqu’il prouve que la vision, du moins celle de l’étendue superficielle, ne doit rien aux sensations musculaires auxquelles donne lieu le mouvement de nos membres. Quant à l’empirisme proprement dit, les observations que nous avons pu faire sur cette enfant ne le contredisent en rien, ainsi qu’on a pu le voir plus haut. Ajoutons qu’elles le confirment, au moins indirectement, en ce qu’elles réfutent le nativisme à l’égard de la troisième dimension de l’espace. C’est donc à cet empirisme que, pour cette raison, et pour bien d’autres raisons encore qui ne peuvent trouver place ici, il faut, croyons-nous, s’en tenir.

Charles Dunan.

  1. Mais nous-même qui repoussons d’une manière si absolue les principes de l’empirisme entendu à la manière de Helmholtz et de Bain, ne sommes-nous pas contraint d’y recourir pour expliquer la perception visuelle des distances, puisque nous considérons cette perception comme indéterminée à l’origine ? Voilà ce qu’on pourra être tenté de se demander. Il n’en est rien pourtant ; l’œil à cet égard encore se suffit à lui-même. Montrer comment serait ici hors de propos ; mais cette question a été traitée dans notre article du 1er février dernier.