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ANALYSES.thompson. Social progress, an Essay.

çant, c’est celle dont l’état économique est prospère. Ces divergences tendent nécessairement à donner lieu à des conflits. De là l’utilité des lois. Liberté et loi sont les conditions d’existence de toute société, mais la seconde n’a sa raison d’être que dans la première. La société n’est pas une fin en soi, et si la loi doit veiller à son maintien, c’est qu’elle seule permet à l’homme de réaliser son complet développement. C’est même là un point de vue intéressant et relativement nouveau : d’après M. Thompson, la société loin de limiter la liberté individuelle ne peut que l’accroître ; la division du travail, par exemple, permet à chacun de se livrer tout entier au genre d’activité qu’il préfère. Par suite, la loi doit se borner à protéger le groupe contre les tentatives des instincts antisociaux. Le plus grand bonheur pour le plus grand nombre doit être le but de chaque société. Il ne peut être atteint que si l’on fait la plus large part possible à la liberté individuelle ; le rôle de l’État est de laisser faire en veillant seulement à ce que la liberté des uns n’empiète pas sur celle des autres.

De ces principes résulte la nécessité de l’égalité des droits et de la stabilité des lois. Celles-ci doivent être « uniformes et inflexibles comme des lois physiques ». Enfin il faut aussi développer le sentiment de l’obligation morale, montrer aux individus que leur bonheur dépend de la prospérité sociale et les accoutumer à considérer leur intérêt comme lié à celui des autres. On comprend le rôle que doit jouer, dans ce but, l’éducation.

À part quelques points de détail, il n’y a dans ces vues rien de bien nouveau, rien qui sorte du programme ordinaire de la sociologie utilitaire. Il n’en est pas de même dans la seconde partie du livre : l’auteur s’y propose de déterminer dans quelle mesure l’Etat doit tolérer la diffusion des idées nouvelles, quelle part il faut faire au changement dans la société.

En principe toute manifestation de la liberté doit être respectée ; il ne doit y avoir répression que quand les idées répandues, les modifications proposées auraient pour résultat d’amoindrir la liberté des uns au profit de celle des autres. De là les principes suivants :

1o Examiner les intérêts de ceux qui proposent un changement et voir ce qu’il entre d’égoïsme et d’altruisme dans les motifs de leur action.

2o Traiter de la même manière ceux qui les combattent.

3o Déterminer aussi exactement que possible les effets prochains et immédiats des changements proposés.

4o Déterminer de même leurs résultats éloignés et ultimes.

5o Considérer les conséquences de l’état existant et le rapport qu’il y a entre le degré actuel de liberté générale et celui qui résulterait des innovations demandées.

6o Calculer les chances de succès et d’insuccès dans l’accomplissement du changement en question.

Voilà les seuls principes dont il y ait lieu de tenir compte quand il s’agit d’approuver ou d’improuver des idées ou des actes ayant pour