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cette confiance ait un fondement réel et juridique. Sans cela la vie humaine ne serait qu’un rêve et il n’est pas admissible qu’il en soit ainsi. Je n’ai pas besoin d’insister pour montrer combien cette base empruntée au criticisme est étroite et ruineuse pour la science qu’elle prétend soutenir. On revient en France des tours de passe-passe fidéistes par lesquels on nous démontrait que les propositions scientifiques les mieux assises ne reposaient que sur des actes de foi morale. Il n’est pas possible qu’en Angleterre on s’attarde longtemps à ces théories.

Quoi qu’il en soit, l’ouvrage de M. Bosanquet mérite de très grands éloges ; il est méthodique et bien conduit. Il faut lui savoir gré en particulier d’avoir insisté encore sur le rôle de l’universel dans la connaissance. Dégagé de l’expérience par l’analyse, c’est l’universel qui seul permet aux associations empiriques de se former et qui fournit à l’esprit la nécessité caractéristique de la science, sans laquelle l’expérience n’est même pas une connaissance. Ainsi peu à peu les logiciens reviennent par des chemins divers à reconnaître la vérité profonde des principes de cette philosophie que des esprits plus hardis que sages et plus novateurs que profonds appellent dédaigneusement la « philosophie du passé ». M. Bosanquet tient à apporter sa pierre au monument de justice réparatrice qu’on élève de notre temps à cette philosophie. Il fait remarquer combien Bacon et les modernes ont eu tort de se moquer des distinctions logiques. Il déclare hautement que le distinguo tant décrié était au contraire l’instrument indispensable des analyses idéales. Ainsi se détruisent peu à peu tous les anciens préjugés, et nous pouvons prévoir le jour où « la philosophie du passé » sera de nouveau reconnue pour l’éternelle philosophie, perennis philosophia.

G. Fonsegrive.

D. G. Thompson. Social progress, an essay. 1 vol.  in-8o, 161 p.. Londres, Longmans, Green et Cie, 1889.

La première partie de ce livre n’est qu’un résumé des résultats les plus indiscutables de la sociologie : la société ne trouve sa raison d’être que dans l’individu ; c’est là le grand principe qui doit servir à déterminer les fonctions de l’État. C’est dire que la plus grande quantité possible de liberté doit être accordée à chacun. La liberté, d’ailleurs, est avant tout la possibilité du mouvement dans l’ordre physique ou moral, et le mouvement est, à son tour, dans la société comme dans l’individu, la condition du progrès. Mais, si elle était absolue, cette liberté mettrait l’existence du groupe en danger. Chacun poursuit, en effet, la réalisation de tel ou tel état social qu’il considère comme idéal ; pour le cannibale, la meilleure société est celle dont les membres sont, au plus haut degré, comestibles et disposés à se laisser manger ; pour le commer-