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personnalité, et, si tout le corps périt, notre personnalité est-elle intacte ? L’identité véritable n’est-elle pas en péril ? Aucune doctrine n’a montré pour la personnalité de l’homme le même respect que le christianisme, et le christianisme, on le sait, professe explicitement la résurrection des corps… La philosophie, il faut bien l’avouer, ne peut aller jusque-là sans s’aventurer dans un ordre de questions inaccessibles à la raison. Mais si elle ne peut rien pour établir rationnellement ce dogme, serait-elle pour cela dans son droit en essayant de le détruire ? M. Th. Henri Martin le nie, et l’un des plus curieux chapitres de son livre a pour objet de soutenir que les spiritualistes qui admettent la vie future sans prétendre la définir, pourraient se dispenser d’attaquer ce dogme et se tenir sur ce point sur une prudente réserve. »

Dès que l’on cherche à préciser, l’idée de corps vient se mêler à l’idée de l’âme. Il est vrai que ce corps lui-même est quelque peu métaphysiquement conçu par M. Th. H. Martin ; il s’agit d’une sorte de corps principe, impondérable quoique non immatériel. Et précisément il me semble qu’il y a là un phénomène fort intéressant au point de vue de ce travail ; l’idée de corps et l’idée d’âme paraissent toujours s’attirer et se repousser sans se séparer jamais et presque sans jamais se fondre en une unité réelle, au moins dans le cas qui nous occupe. On sépare l’âme du corps, on la réduit, on la spiritualise, on la volatilise de plus en plus ; on aimerait alors, pour l’aider à vivre, à recourir au corps sans lequel la personnalité vraie paraît bien compromise. Mais ici de nouvelles difficultés se présentent, celles mêmes qui ont fait séparer l’âme du corps et, cette fois, c’est le corps lui-même qui se spiritualise, qui s’abstrait : on tire du corps réel une manière de corps principe, impondérable ; mais, qu’on y prenne garde, ou bien ce corps restera concret, tangible, visible, etc. ou bien il finira par n’offrir plus, comme l’âme pure, qu’un support trop frêle pour la personnalité de l’homme, et l’on sera obligé de demander autre chose à la réalité, — quitte à recommencer la série des opérations.

M. Caro, du reste, n’accepte pas très nettement toutes ces opinions, au moins ne les accepte-t-il pas au nom de la philosophie et. dans un livre de philosophie, il n’avait pas à se prononcer sur le dogme religieux. Mais il est visible que ces idées lui plaisent et qu’il penche vers l’assentiment. Est-il besoin de faire remarquer que je n’ai pas pour but ni de réfuter ces idées, ni de prouver l’impossibilité d’une existence future, ni de démontrer que l’âme ne peut être conçue d’une manière tout à fait abstraite ? Mais il m’intéresse de montrer qu’en fait elle ne l’est pas toujours et que, chez les philoso-