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ANALYSES.bosanquet. Logic or the morphology, etc..

versel forme le fond à la fois de l’esprit et de la nature, de sorte que l’esprit est la face consciente de la nature, tandis que la nature est la face inconsciente et objective de l’esprit.

La logique, telle que l’entend après Hegel M. Bosanquet, est donc la science des lois selon lesquelles l’esprit se représente les choses, mieux encore la science des lois selon lesquelles l’universel se manifeste à la pensée et s’incorpore les événements variés de la conscience. De là, un mélange de réalisme métaphysique et de formalisme logique qui rend la lecture de l’ouvrage difficile, mais singulièrement intéressante, quand on est parvenu à se mettre au point de vue de l’auteur.

Ainsi la fonction logique par excellence est l’unification du multiple, la généralisation. C’est grâce à cette fonction que l’esprit peut se représenter à lui-même ses intuitions sensibles, former ses pensées et les nommer. Toute pensée contient donc un jugement implicite, puisque toute pensée est une synthèse ; tout jugement est donc le résultat de l’analyse d’une pensée. Ainsi au vrai point de vue intérieur et logique, tout jugement est analytique ; ce n’est qu’à un point de vue extérieur et grammatical que le jugement paraît être synthétique.

Il n’y a de jugement catégorique que le jugement singulier, affirmant un fait, une intuition de l’expérience. Seuls en effet, les jugements de ce genre expriment la réalité ou l’existence en même temps que le rapport idéal du sujet et de l’attribut. Tous les autres jugements sont hypothétiques. Descartes (que M. Bosanquet ne cite pas) avait déjà remarqué que le jugement : les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits n’est vrai que dans l’hypothèse de l’existence d’un triangle. Tous les autres jugements universels ne sont pas moins hypothétiques. Lotze et M. Bradley ont déjà après Hegel tiré de cette constatation cette conséquence, que le vrai sujet de tout jugement universel n’est pas le sujet apparent, mais un sujet impersonnel, inexprimé et sous-entendu, la réalité tout entière. Un jugement n’exprime en effet qu’une petite portion de la réalité, dont la vérité dépend de ses rapports avec l’ensemble. Seul l’ensemble a une valeur absolue, une absolue vérité. C’est bien aussi, ajouterons-nous, une idée analogue qui faisait dire à Descartes que la seule idée qui, dans son essence, contenait son existence, était l’idée de l’Être parfait.

On voit comment la fonction logique forme le jugement. Je ne saurais trop recommander à tous les curieux de fortes et ingénieuses analyses tout le premier volume de M. Bosanquet, où se trouve sa théorie du jugement. On pourra n’être pas d’accord avec lui, mais on ne pourra pas refuser de rendre hommage à la vigueur pénétrante de son esprit. Bien que je persiste à croire que, comme son protagoniste M. Bradley, il eût mieux fait de montrer comment les résultats très intéressants de leurs analyses rentrent dans les cadres de la logique d’Aristote que de chercher à les opposer à tort à cette logique, je suis pour ma part tout disposé à admettre une grande partie de leurs idées sur le jugement. Je demanderais seulement qu’on voulut bien nous